JO-2024/Gymnastique: Simone Biles, l'indestructible icône
Devenue une icône au-delà de son sport, l'Américaine Simone Biles a surmonté les épreuves de la vie et notamment une déroute mentale aux Jeux olympiques de Tokyo pour renaître et retrouver les sommets de la gymnastique à l'aube des Jeux olympiques de Paris.
Arrivée aux JO de Tokyo en 2021 avec l'étiquette d'immense favorite, à la faveur de ses quatre titres records décrochés cinq ans plus tôt à Rio, Biles avait choqué le monde entier en décidant de se retirer de la plupart des épreuves.
Avec franchise, la gymnaste la plus médaillée de l'histoire avait alors expliqué lutter contre des "twisties", ces brutales et imprévisibles pertes de repères dans l'espace, qui exposent les gymnastes à de graves blessures.
Si elle était repartie du Japon avec une médaille d'argent par équipe et une médaille de bronze à la poutre, ses déboires avaient surtout contribué à mettre en avant le sujet longtemps tabou de la santé mentale des sportifs.
Epuisée par tous ces tumultes, Biles a tourné la page en s'éloignant des compétitions pendant deux ans, le temps de reprendre une vie "normale". "Je pense que je dois prendre un peu plus soin de moi et écouter mon corps. M'assurer que je prends le temps pour les choses importantes de ma vie", déclare-t-elle alors à la chaîne NBC.
Car l'épisode douloureux de Tokyo est loin d'être la première épreuve traversée par la gymnaste de 27 ans.
- Sauvée par ses grands-parents -
Le conte de fée de la petite fille qui découvre la gymnastique à six ans lors d'une sortie scolaire n'en est pas un. Sa petite enfance, Biles, née dans l'Ohio, la partage avec une mère "dépendante à l'alcool et à la drogue", qui fait "des allers-retours en prison", ce qui vaut, à elle et ses trois frères et sœurs, d'être placés en famille d'accueil, confie-t-elle à la télévision américaine en 2017.
"Je n'ai jamais pu compter sur ma mère biologique. Je me souviens que j'avais toujours faim, toujours peur."
"Mes grand-parents m'ont sauvée", dit-elle de Nellie et Ron Biles, qu'elle considère comme ses parents et qui ont changé le cours de son histoire en l'adoptant, ainsi que sa petite sœur, tandis que le reste de la fratrie a atterri chez d'autres membres de la famille.
Dès ses huit ans, Biles fait une rencontre décisive, celle d'Aimee Boorman, l'entraîneure qui la portera vers les sommets, sa "deuxième maman" aussi, qui veillera à son équilibre sur les agrès comme dans la vie.
C'est sous son aile qu'elle devient, à 16 ans, championne du monde pour la première fois, en 2013 à Anvers. Avec elle aussi qu'elle triomphe aux Jeux olympiques de Rio en 2016.
Boorman partie en Floride, la Texane d'adoption renoue avec l'entraînement en 2017 sous la direction des Français Cécile et Laurent Landi à Houston.
- "Bien plus grande" -
En janvier 2018, elle dévoile une autre blessure intime: elle fait partie des plus de deux cents victimes de Larry Nassar, l'ex-médecin de l'équipe américaine condamné à la prison à vie pour des centaines d'agressions sexuelles.
"On nous a laissé tomber et on nous doit des explications", témoigne-t-elle, la voix brisée par l'émotion, en septembre 2021 devant une commission du Sénat chargée de se pencher sur les "manquements au devoir" du FBI dans cet effroyable scandale qui secoue l'Amérique.
"Je suis beaucoup plus que ça", assène à propos de cette affaire la sportive afro-américaine qui a également soutenu avec force le mouvement "Black Lives Matter". "Je suis unique, intelligente, talentueuse, motivée et passionnée. Je me suis promis que mon histoire serait bien plus grande que ça."
Biles a largement tenu parole. En octobre 2023, elle signe un come-back époustouflant en remportant cinq médailles dont quatre en or aux Championnats du monde d'Anvers.
"Elle prouve à tout le monde qu'elle peut être meilleure qu'avant. Elle est comme le vin, elle s'améliore avec l'âge!", se félicite sa coach Cécile Landi.
Aux Jeux de Paris, peut-être le dernier chapitre de son immense carrière, la petite gymnaste d'1,42 m attirera de nouveau tous les regards. Mais cette fois-ci, c'est libérée de la pression du résultat qu'elle évoluera. "La gymnastique est quelque chose que je fais, ce n'est pas ce que je suis", affirme-t-elle désormais.
(W.Williams--TAG)