Soudan: MSF appelle à "inonder le Darfour de nourriture"
Face à la famine, il faut "inonder le Darfour de nourriture", plaide le secrétaire général de Médecins sans frontières (MSF), Christopher Lockyear, assurant dans un entretien à l'AFP qu'il est possible d'aider davantage cette région du Soudan.
QUESTION: Après plus de 20 mois de combats entre l'armée soudanaise et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), la faim et la famine se répandent au Soudan, y compris au Darfour. Quelle est votre évaluation de la situation après votre visite dans cette région ?
REPONSE: "J'ai vu une catastrophe de grande ampleur en termes de besoins humanitaires, mais aussi un échec mondial en termes de réponse humanitaire.
La communauté humanitaire a la possibilité de faire beaucoup plus dans cette région. L'accès est difficile. C'est toujours difficile dans une situation d'urgence humanitaire complexe, mais il est tout à fait plausible d'y parvenir.
La frontière à Adré est ouverte. Des camions traversent la frontière depuis le Tchad. Il n'y en a pas assez.
Chaque organisation a des contraintes et des niveaux de risque différents, mais je dirais que nous avons besoin d'une présence beaucoup plus importante des Nations unies et des organisations internationales au Darfour. Je ne parle pas du reste du Soudan. D'après ce que j'ai vu, il est possible de renforcer considérablement l'aide dans les régions du Darfour que j'ai visitées".
QUESTION: L'ONU dénonce toutefois l'insécurité et les obstacles bureaucratiques à l'aide humanitaire. Pourquoi pensez-vous qu'il est possible d'acheminer davantage d'aide au Darfour ?
REPONSE: "Il y a plusieurs raisons. Nous devons nous mettre au défi de surmonter ces contraintes ou ce qui est perçu comme étant des contraintes. Il est certain que le Soudan fait l'objet d'un manque d'attention, et il est important d'attirer l'attention sur le Soudan. Il y a certes des questions de financement, mais je pense aussi que c'est une question de priorité et de volonté politique.
Ma visite m'a montré qu'il était possible de traverser la frontière entre le Tchad et le Darfour. Il était également possible de se déplacer dans une grande partie du Darfour. Ce n'est qu'une infime partie du Soudan, mais il n'en reste pas moins que beaucoup peut être fait dans cette région importante qu'est le Darfour.
J'ai constaté que nos hôpitaux étaient largement approvisionnés. Les approvisionner n'est pas toujours facile, cela demande beaucoup d'efforts. Il est difficile de se déplacer, mais cela montre que c'est possible.
Nous avons donc besoin d'un effort concerté pour inonder le Darfour de nourriture et augmenter l'approvisionnement en denrées alimentaires dans l'ensemble du Soudan. Les pipelines d'aide alimentaire qui approvisionnent actuellement le Darfour sont vraiment terriblement inadéquats.
QUESTION: Combien de camions acheminent l'aide au Soudan via le poste-frontière d'Adré à la frontière avec le Tchad ?
REPONSE: "Depuis que le point de passage d'Adré a été ouvert en août, il y a eu en moyenne cinq camions par jour qui traversent cette frontière pour entrer au Darfour. Selon nos estimations, il faudrait 400 camions par mois rien que pour le camp de Zamzam dans le Darfour-Nord, sans parler des 10 autres millions d'habitants du Darfour.
C'est donc une augmentation massive de l'aide qui est nécessaire via cette frontière. La frontière est ouverte et nous devons optimiser son accès.
Alors que la prochaine saison des pluies approche, il sera important d'acheminer autant de nourriture que possible au Darfour. J'ajouterais qu'il ne s'agit pas uniquement de l'approvisionnement, il ne s'agit pas uniquement des camions transportant la nourriture. Il s'agit aussi de disposer de suffisamment de personnels pour traiter les patients. Le traitement de la malnutrition aiguë est intense, cela nécessite la présence d'agences et d'ONG sur le terrain. Alors oui, nous avons besoin que beaucoup plus de nourriture entre au Darfour, mais ce n'est qu'un aspect de la situation".
(F.Jackson--TAG)