Agriculteurs: la mobilisation continue, la Coordination rurale veut "bloquer le fret alimentaire"
Opposés notamment à un accord de libre-échange avec les pays latino-américains du Mercosur, les agriculteurs poursuivent mardi leur mobilisation. Plusieurs répondent aux appels de la Coordination rurale qui fait monter la pression en parlant de "bloquer le fret alimentaire", dans un contexte de rivalité avec le syndicat majoritaire FNSEA.
Deuxième syndicat agricole français, la Coordination rurale (CR) tient son congrès annuel jusqu'à mercredi dans la Vienne.
Le syndicat assure se tenir prêt, s'il n'obtient pas satisfaction, à "bloquer le fret alimentaire" à partir de mercredi, d'abord dans le sud-ouest de la France.
- "On ravive la flamme" -
Mardi matin, en Gironde, une trentaine de tracteurs ont convergé à l'appel de la Coordination rurale de la zone viticole de l'Entre-Deux-Mers vers la préfecture de Bordeaux, dont l'accès a été protégé par les forces de l'ordre, selon un photographe de l'AFP.
Plus au sud, plus d'une centaine d'agriculteurs, majoritairement issus de la Coordination rurale, sont partis dans la matinée de Béziers en convoi d'une trentaine de véhicules, vers le péage du Boulou, à la frontière espagnole, pour tenter de bloquer les camions et filtrer les véhicules légers, ont constaté un correspondant et un photographe de l'AFP.
Ils doivent rallier à Narbonne d'autres agriculteurs sur l'autoroute A9, dont la circulation n'est pour le moment pas perturbée.
Le mouvement est également suivi en Charente-Maritime, en Dordogne, dans le Lot-et-Garonne, les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, où les agriculteurs ont aussi rendez-vous devant les préfectures.
Opposé comme les autres syndicats agricoles à la signature par l'Union européenne d'un accord de libre-échange avec des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), la Coordination rurale demande aussi des baisses de charges.
En parallèle, les troupes des syndicats majoritaires FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA) restent mobilisées pour le deuxième jour contre cet éventuel accord. Leur programme calqué sur les deux jours du sommet du G20 au Brésil.
FNSEA et JA ont planté des croix dans le Var pour évoquer le péril selon eux mortel que court l'agriculture française. Ils ont bloqué le pont de l'Europe qui relie Strasbourg à l'Allemagne pour lancer un message à la Commission européenne, qui semble déterminée à conclure rapidement le traité avec le Mercosur, négocié depuis plus de 20 ans.
À Bordeaux, sur les quais de la Garonne, plusieurs dizaines d'agriculteurs, dont de nombreux viticulteurs, ont entassé et brûlé lundi soir des ceps de vigne issus de l'arrachage de plusieurs milliers d'hectares dans le Bordelais.
"C'est un avertissement: aujourd'hui, on ravive la flamme, donc attention!", a prévenu auprès de l'AFP Jérôme Fréville, 60 ans, viticulteur dans le Médoc.
- "Cristallisation" -
La France explique depuis des semaines "chercher des alliés" dans l'UE pour repousser une signature.
La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a promis mardi que la France continuerait "à tenir un bras de fer aussi longtemps que nécessaire" avec la Commission européenne contre ce traité.
Depuis le G20, Emmanuel Macron avait affirmé lundi que la France n'était "pas isolée", estimant que plusieurs pays la "rejoignent" dans son opposition contre la mouture actuelle de l'accord, qui "repose sur des préalables (...) caducs".
Côté agriculteurs, les motifs de mécontentement sont loin de se limiter au Mercosur.
Normes excessives, concurrence déloyale, revenus et considération insuffisants... Sur les barrages filtrants ou devant les préfectures, les messages sont presque identiques à ceux de l'an dernier, quand une mobilisation historique des agriculteurs avait abouti à 70 engagements gouvernementaux.
Leur traduction dans le quotidien des fermes a été ralentie par la crise politique issue de la dissolution de l'Assemblée nationale.
"Il faut montrer que ce n'est plus possible. On a commencé (à manifester) en février, il n'y a pas eu de changement (...) Ça se complique toujours, c'est toujours dur, moi ça ne me donne plus envie, ça me dégoûte", témoigne Cyriac Blanchet, 18 ans, qui représente la 3e génération d'une exploitation familiale à Monségur, dans l'est de la Gironde.
Lundi soir sur France 5, le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a reconnu qu'il y avait "une forme de cristallisation" de la tension à l'approche des élections professionnelles du monde agricole, prévues en janvier.
Ce scrutin, auquel moins d'un agriculteur sur deux a participé en 2019, détermine la gouvernance des chambres d'agriculture et le financement public dévolu aux syndicats.
La Coordination rurale entend briser la quasi-hégémonie de la FNSEA et multiplie sur X les attaques à l'égard d'Arnaud Rousseau, aussi président du géant des huiles Avril.
La CR lui reproche de défendre en sous-main les intérêts de l'agro-industrie.
(O.Robinson--TAG)