Ukraine: sept morts dans des frappes sur Lviv, la Russie affirme avoir capturé des Britanniques
Au moins sept personnes ont été tuées lundi dans des frappes de missiles russes sur des cibles civiles et militaires à Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine d'ordinaire relativement épargné par les combats, tandis que Moscou affirmait avoir capturé des Britanniques et exigeait de négocier avec Londres leur libération.
La télévision publique russe a diffusé des vidéos montrant deux prisonniers, présentés comme des Britanniques capturés lors de combats en Ukraine, s'adressant au Premier ministre Boris Johnson pour négocier leur libération.
Les deux hommes, qui apparaissent les traits tirés, demandent à être échangés contre Viktor Medvedtchouk, un riche homme d'affaire ukrainien proche du président Vladimir Poutine et récemment arrêté en Ukraine.
Kiev a pour sa part diffusé une vidéo de cet homme d'affaires, dans laquelle il demande à être échangé "contre les défenseurs de Marioupols et ses habitants".
Cette "guerre de vidéos" intervient alors que Kiev a promis de défendre "jusqu'au bout" le port stratégique de Marioupol dans le sud-est où l'armée russe encercle les militaires ukrainiens, et annoncé qu'aucun couloir humanitaire ne serait mis en place lundi pour évacuer des civils, accusant Moscou de "blocage".
A Lviv, la grande ville de l'ouest où s'étaient repliées plusieurs ambassades occidentales, "cinq puissantes frappes de missiles" ont touché "l'infrastructure civile", a annoncé sur Twitter Mikhaïlo Podoliak, conseiller du président Volodymyr Zelensky.
"À cette heure, sept morts sont connus", a-t-il ajouté, évoquant également "onze blessés, dont un enfant", et précisant que trois blessés se trouvent "dans un état grave".
Sur les lieux de la frappe contre le garage à environ quatre kilomètres du centre de la ville, des journalistes de l'AFP ont vu le bâtiment en feu, avec des carcasses de voitures dans un cratère près d'une voie ferrée.
Située loin du front, près de la frontière polonaise, Lviv s'est convertie en ville-refuge pour les personnes déplacées.
- "Détruire le Donbass" -
Lviv a été rarement visée par des bombardements depuis le début de l'invasion russe le 24 février, contrairement à l'est du pays où se concentrent désormais l'essentiel des bombardements.
Dans un message vidéo dimanche soir, le président Volodymyr Zelensky a affirmé que "les soldats russes se préparent à une offensive dans l'est de notre pays dans un avenir proche. Ils veulent littéralement achever et détruire le Donbass".
"Tout comme les militaires russes détruisent Marioupol, ils veulent anéantir d'autres villes et d'autres communautés dans les régions de Donetsk et de Lougansk", a-t-il poursuivi, avant de lancer : "nous faisons tout pour assurer la défense".
Moscou semble notamment déterminé à prendre le port stratégique de Marioupol dans le sud-est, dont les derniers défenseurs ont ignoré dimanche un ultimatum de l'armée russe qui leur demandait de déposer les armes.
"Sabotez les ordres des occupants. Ne coopérez pas avec eux (...) Vous devez tenir bon", a encore dit le président Zelensky.
Il a de nouveau appelé les Occidentaux à imposer "un embargo sur les livraisons de pétrole en provenance de Russie", estimant qu'une telle mesure "s'impose chaque jour davantage".
M. Zelensky a également invité le président Emmanuel Macron, en pleine campagne électorale, à venir en Ukraine pour constater que les forces russes y commettent un "génocide", un terme que son homologue français s'est jusqu'ici refusé à employer.
- Marioupol "n'est pas tombée" -
Moscou avait demandé aux derniers combattants ukrainiens, retranchés dans le complexe métallurgique d'Azovstal à Marioupol, de cesser le feu dimanche et d'évacuer les lieux.
"Tous ceux qui auront abandonné les armes auront la garantie d'avoir la vie sauve", avait promis le ministère russe de la Défense sur Telegram. "C'est leur seule chance".
Mais le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal a assuré que la résistance continuerait.
"Non, la ville n'est pas tombée. Nos militaires y sont toujours. Ils combattront jusqu'au bout. A l'heure où je vous parle, ils sont toujours dans Marioupol", a-t-il dit à la chaîne de télévision américaine ABC dimanche soir.
Un responsable policier de Marioupol, Mykhailo Vershynin, a assuré dimanche que "beaucoup de civils dont des femmes, des enfants, des bébés et des personnes âgées" étaient retranchés dans le complexe Azovstal.
"Ces gens se protègent des bombardements car là-bas il y a un abri qui donne une chance de survie pour un certain temps", a-t-il dit dans un enregistrement diffusé sur Youtube.
"Ils ne font pas confiance aux Russes. Ils ont vu ce qui se passe dans la ville et c'est la raison pour laquelle il se trouvent dans l'usine".
La prise de cette cité constituerait une victoire importante pour les Russes car elle leur permettrait de consolider leurs gains territoriaux côtiers le long de la mer d'Azov en reliant la région du Donbass, en partie contrôlée par leurs partisans, à la Crimée que Moscou a annexée en 2014.
D'après le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial David Beasley, plus de 100.000 civils sont au bord de la famine à Marioupol, manquant également de chauffage.
- "Dernière chance" pour évacuer les civils -
Dans l'est, une frappe a touché dans la nuit de dimanche à lundi un quartier au nord-est de la ville de Kramatorsk, sans faire de dégât.
Un journaliste de l’AFP a vu un cratère dans un petit terrain vague près d’un hôtel fermé et une usine désaffectée.
Dimanche, toujours à Kramatorsk, deux explosions avaient été entendues vers 11H45, mais aucune habitation n’a été touchée, a constaté l’AFP. Les frappes ont probablement visé un ancien site industriel, comme il y en a de nombreux dans la ville, et dont certains sont occupés par l’armée ukrainienne.
Le gouverneur de la région de Lougantsk, également dans l'est, Serguiï Gaïdaï, avait exhorté les civils à évacuer la région.
"Cette semaine risque d'être difficile", a-t-il prévenu. Maintenant "c'est peut être la dernière fois que nous avons une chance de vous sauver" en quittant les zones de combats, a-t-il dit sur Facebook.
Mais la vice-Première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk a annoncé qu'aucun couloir humanitaire pour l'évacuation de civils ne serait mis en place lundi, pour la deuxième journée consécutive.
"Les occupants russes ne cessent de bloquer et de bombarder les routes humanitaires. Par conséquent, pour des raisons de sécurité, il a été décidé de ne pas ouvrir de couloirs", a-t-elle ajouté.
Plus au nord, à Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, au moins cinq personnes ont péri dimanche et 20 autres ont été blessées dans une série de frappes russes, selon le gouverneur régional Oleg Sinegoubov.
Des journalistes de l'AFP sur place ont entendu deux bombardements et vu cinq incendies se propager dans les quartiers d'habitation du centre de Kharkiv.
Errant abasourdie dans une rue, Svitlana Pelelyguina observait la fumée s'élever des ruines de son logement, touché par l'une des frappes. "Tout l'appartement s'est mis à osciller et à trembler", a raconté à l'AFP cette femme de 71 ans. "Et tout a commencé à prendre feu".
(G.Gruner--BBZ)