Renault: les salariés dans l'incertitude après la suspension des activités en Russie
La suspension des activités de Renault en Russie suscitait jeudi une certaine fébrilité chez les salariés du constructeur français, même si les usines hexagonales sont peu exposées.
"Depuis deux ou trois ans Renault n'est pas en super grande forme, on n'avait pas besoin de ça dans le contexte actuel, c'est une angoisse supplémentaire", s'inquiète Jean-François Pibouleau, délégué syndical central CGT.
"La crise des composants comme l'évolution de la situation géopolitique dans un contexte d'économie ouverte (...) met en évidence la vulnérabilité des grands groupes comme le nôtre", a de son côté réagi la CFDT dans un communiqué, appelant à créer "des plaques de production" 100% intégrées.
Le constructeur français dispose d'une usine en nom propre près de Moscou, qui emploie 2.500 personnes et produit des SUV Duster, Kaptur, Arkana, et des Nissan Terrano. Tous les salariés "ont été mis en congé", a précisé Jean-François Pibouleau. "On a demandé aux RH (ressources humaines) de nous tenir informés rapidement de ce qu'ils prévoient pour que les salariés souffrent le moins possible", a-t-il complété.
Renault contrôle surtout 69% d'Avtovaz, le grand constructeur qui produit les deux voitures les plus vendues en Russie, les Lada Vesta et Granta. Les 40.000 employés de l'usine de Togliatti (sud) doivent prendre bientôt leurs trois semaines de congés d'été, en raison d'une pénurie de composants importés.
Le constructeur français a prévu d'évaluer "les options possibles concernant sa participation" dans Avtovaz et prépare une éventuelle sortie. De leur côté, les autorités russes ont cherché à rassurer jeudi les salariés quant à un "retour au fonctionnement stable de toutes les chaînes de production le plus rapidement possible".
La direction d'Avtovaz établit des listes d'employés qui souhaiteraient travailler sur des postes temporaires, qui seront financés au niveau fédéral et régional, a indiqué le syndicat de travailleurs d’Avtovaz jeudi matin sur le réseau social Vkontakte.
Dans les usines françaises, l'impact de la suspension des activités russes s'annonce dans un premier temps limité car "on ne reçoit aucune pièce de Russie", assure Jean-François Pibouleau pour qui "la crise des semi-conducteurs" reste l'ennui majeur du moment. Seule l'usine du Mans fournissait quelques éléments à la Russie, notamment "des châssis ou des éléments tournants", d'après la CGT.
"L'impact sera beaucoup plus financier, sur les résultats", estime Mariette Rih, déléguée syndicale centrale FO.
Renault a averti être "contraint de revoir ses perspectives financières pour l'année 2022 avec une marge opérationnelle du groupe de l'ordre de 3%", contre plus de 4% précédemment.
Par anticipation, Renault prévoit d'enregistrer une charge d'ajustement de 2,195 milliards d'euros dans ses comptes du premier semestre, soit la valeur de ses actifs en Russie.
Mercredi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait dénoncé devant l'Assemblée nationale française la présence de Renault en Russie tandis que le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, appelait à un boycott. "Nous ne sommes pas d'accord avec ça car le boycott, ce sont les salariés qui le subissent immédiatement", a déploré la CGT.
(T.Burkhard--BBZ)