Retrouvailles sous le signe de la "souveraineté" pour Macron et le Salon de l'agriculture en pleine crise russo-ukrainienne
Il a placé ce rendez-vous sous le signe de la "souveraineté alimentaire": accaparé par l'invasion russe en Ukraine, le président Emmanuel Macron est tout de même venu à la rencontre des paysans inaugurer samedi le Salon de l'agriculture, pour une visite beaucoup plus courte que d'habitude.
"Cette guerre durera" et "il faut nous y préparer", a prévenu avec gravité le président, les traits tirés, à la fin d'une prise de parole d'une demi-heure, lors de laquelle il a prévenu qu'elle ne serait pas sans conséquences pour le monde agricole.
"Ce que nous sommes en train de vivre ne sera pas sans conséquences sur le monde agricole et les filières qui sont les vôtres", a averti le chef de l'Etat, alors que le monde agricole craint des mesures de rétorsion sur les exportations, notamment en raison des sanctions prises à l'égard de la Russie.
"Ce ne sera pas sans conséquences sur l'augmentation les coûts de l'énergie, ce ne sera pas sans conséquences sur l'alimentation du bétail, son coût, peut-être même la capacité à fournir", a averti le président.
- "Résilience" face aux conséquences de la guerre -
"Nous sommes en train de bâtir (...) un plan de résilience, d'abord pour sécuriser pour nos filières nos intrants, ensuite pour essayer au maximum de bâtir des boucliers en termes de coûts aux niveaux national et européen", a-t-il indiqué.
"La mission de nourrir le peuple français, nous sommes en train de la réinventer… Ensemble, nous sommes en train de la bâtir", avait déclaré auparavant le chef de l'Etat, plaçant toute son intervention sous le signe de la "souveraineté alimentaire".
Tout à la joie de cette 58e édition après une année blanche pour cause de pandémie, le monde agricole a donc eu droit à un message empreint de gravité et une prise de parole rapide du chef de l'Etat.
- Flambée des coûts -
Emmanuel Macron devait ensuite couper le traditionnel ruban sous le regard de Neige, la vache égérie de l'événement, qui a pris ses quartiers jeudi soir dans le parc des expositions de la porte de Versailles, avant que le Premier ministre Jean Castex ne prenne le relais pour faire le tour du salon, et défendre le bilan du quinquennat à six semaines du scrutin.
Parmi les candidats déclarés et selon un programme encore mouvant, sont attendus le communiste Fabien Roussel, la LR Valérie Pécresse, la socialiste Anne Hidalgo lundi, la candidate RN Marine Le Pen mercredi et son rival d'extrême droite Eric Zemmour en fin de semaine. L'insoumis Jean-Luc Mélenchon, qui fustige l'agriculture "productiviste" représentée selon lui au salon, boude une nouvelle fois l'événement.
"C'est un salon particulier parce qu'il y a les élections présidentielles" et "parce qu'on est en crise de vocation": "On perd en gros 100.000 agriculteurs tous les dix ans et il est bien qu'il y ait un débat sur la vision du métier", avait souligné par ailleurs à l'AFP le président du salon Jean-Luc Poulain.
Cette inquiétude fondamentale, qui interroge le modèle agricole français, est rejointe par la menace plus immédiate du conflit en Ukraine: les professionnels de l'alimentation redoutent des mesures de rétorsion russes en réaction aux sanctions occidentales, qui viendraient perturber les échanges.
La France est le neuvième fournisseur de la Russie en produits agroalimentaires, pour 780 millions d'euros par an, souligne l'association française de l'agro-industrie Ania.
Par ailleurs, plusieurs grands groupes sont implantés en Ukraine, en particulier dans le secteur laitier, des céréales et des semences. Lactalis, qui aura un stand au salon, compte trois sites de production dans l'ex-république socialiste.
La flambée des cours de l'énergie (y compris le gaz qui sert à fabriquer les engrais), des céréales et huiles végétales aura aussi des répercussions au niveau national. Les filières d'élevage sont très dépendantes des céréales pour nourrir les animaux, en particulier les volailles et les porcs. Leurs coûts de production avaient déjà bondi en 2021 (+30% pour le blé), sans que les prix de vente évoluent au même rythme.
Pour les visiteurs - ils étaient 630.000 en 2019 -, ce sera sans nul doute la joie d'une visite à la ferme: pas de volailles en raison de la grippe aviaire, mais force vaches, cochons, moutons ou lapins, à dévorer des yeux en dégustant des produits du terroir, à condition de rester masqué en déambulant.
(S.G.Stein--BBZ)