Dernière séance à l'Assemblée nationale au parfum de campagne électorale
"La séance est levée": après cinq années remuantes, les travaux s'achèvent jeudi à l'Assemblée nationale à l'approche des échéances électorales, dans un climat sans concession entre majorité macroniste et oppositions.
Un débat dans la matinée sur la situation sanitaire, trois adoptions définitives de textes dans l'après-midi, sur le sport, le harcèlement scolaire et le changement de nom de famille, et le rideau sera baissé.
Pas prêt à lâcher le morceau, le Sénat dominé par la droite joue lui les prolongations vendredi avec l'examen de propositions de loi centristes sur l'organisation de la présidentielle par temps de Covid-19.
Sauf coup de théâtre, le Parlement ne siègera ensuite pas avant le 28 juin, jour de l'ouverture de la XVIe législature à l'Assemblée, après l'élection de 577 députés les 12 et 19 juin.
Quelle sera alors la majorité en place, dans la foulée de la présidentielle ? La question est dans toutes les têtes, et a donné lieu à une dernière séance bagarreuse de questions au gouvernement mardi au Palais Bourbon.
Dans un hémicycle bondé, Maxime Minot (LR) a accusé l'exécutif d'être "prêt à tout pour rester au pouvoir, comme une moule (accrochée) à son rocher", quand François Ruffin (LFI) a brandi un chèque géant symbolisant les milliards accordés selon lui aux sociétés du CAC 40 sous ce quinquennat.
Dans les couloirs, les communistes ont distribué un "Livre blanc" du "progrès social, écologique et démocratique en cinq ans de macronie", riche d’une trentaine de pages… totalement blanches.
Le titulaire du perchoir Richard Ferrand (LREM) a remercié l'ensemble des députés pour leur "engagement qui fait la vitalité de notre démocratie".
- Nouveau monde ancien -
Il est loin le temps de 2017 avec l'arrivée en masse de macronistes souvent novices, cassant les codes mais vite taxés de "godillots" par les oppositions.
La mandature "n’a pas toujours été un long fleuve tranquille", euphémise le patron des députés LREM Christophe Castaner, entre affaire Benalla qui fait dérailler la réforme des institutions en 2018, et mouvement des "gilets jaunes" puis crise sanitaire accompagnés de violences envers les élus.
Il retient "un marathon au service des Français", avec pas moins de 134 projets et 106 propositions de loi définitivement adoptés, et vante "un quinquennat de progrès". "On peut avoir une certaine fierté, une fierté humble, modeste", a lancé mardi le Premier ministre Jean Castex à la majorité.
Le chef de file du groupe LR, Damien Abad, déplore lui que l'Assemblée soit "devenue une sorte de chambre d'enregistrement". "La crise sanitaire a aggravé le phénomène", avec une concentration des décisions en Conseil de défense autour d'Emmanuel Macron, et "nous sommes mis sur la touche", renchérit son collègue Philippe Gosselin.
De quoi démobiliser les potentiels candidats aux législatives? Non point. Seuls une quinzaine des LR ne souhaitent pas rempiler en juin, souvent après nombre de mandats. Jean-Luc Reitzer, plus ancien député avec 34 années au compteur sans interruption, hésite encore.
Au groupe LREM, la plupart ont pris goût à ce qu'ils voient parfois comme un "job". Une trentaine des 268 membres raccrochent, tandis qu'une quinzaine n'ont pas décidé.
Certains pensent même attendre le résultat de la présidentielle: "Je suis un homme de majorité", confie un député allié des "marcheurs" qui ne se voit pas par exemple "dans l'opposition à Valérie Pécresse".
Les sortants pourront reprendre leurs activités antérieures ou une nouvelle, aucune restriction ne s'appliquant à compter de la fin du mandat. Une poignée a prévu d'exercer dès les prochaines semaines comme agent immobilier ou chef d'entreprise, a révélé le déontologue de l'Assemblée qui l'a autorisé sous conditions.
C'est l'heure des pots, des ultimes selfies sur les bancs de velours rouge. L'ex-LREM Matthieu Orphelin ne se représente pas. "C'est la fin, le tout dernier matin", a-t-il tweeté sur un air de Juliette Armanet, "le dernier jour du disco".
(S.G.Stein--BBZ)