Macron prolonge sa visite du Salon de l'agriculture après de nombreux heurts
Emmanuel Macron poursuit samedi soir sa visite d'un Salon de l'agriculture marqué pendant plusieurs heures par les huées et des heurts d'une rare intensité, alors que l'exécutif cherchait depuis un mois à apaiser le mouvement de colère des agriculteurs avant leur grand rendez-vous annuel.
"Qui aurait dit ce matin que 12 heures plus tard, on se retrouverait ici à continuer de travailler, d'avancer?" lance Emmanuel Macron peut avant 20H00, satisfait d'avoir parcouru l'événement en dépit d'un démarrage chaotique, et taclant: "C'est ridicule de la part d'agriculteurs d'avoir fait de la violence sur un salon qui est leur."
Avant l'ouverture officielle, des centaines de personnes menées par des agriculteurs de la FNSEA, des Jeunes agriculteurs et de la Coordination rurale ont forcé l'entrée du parc des expositions parisien de la porte de Versailles. Ils ont fait irruption dans le hall principal, déclenchant des heurts avec les forces de l'ordre. Au même moment, vers 08H00, Emmanuel Macron s'entretenait au 1er étage avec les responsables syndicaux agricoles.
La situation était "hors de contrôle", a estimé auprès de l'AFP le secrétaire national Alliance des CRS et ancien responsable de groupes de sécurité du président et du Premier ministre, Johann Cavallero.
Pendant plusieurs heures, de façon intermittente, il y a eu des agriculteurs poussant violemment les forces de l'ordre qui elles-mêmes les repoussaient vivement.
D'autres présidents ont dû affronter au Salon sifflets, huées et bousculades, comme Nicolas Sarkozy ou François Hollande. Mais sans commune mesure avec les événements de samedi matin.
Quand Emmanuel Macron descend, avec plus de quatre heures de retard, inaugurer le salon et commencer la visite, les noms d'oiseaux fusent ("fumier", "menteur"), les cris ("Barre-toi !") et les appels à la démission.
"Vous l'avez écouté ? Il ne laisse pas parler les agriculteurs, il coupe la parole, il tutoie... On n'est pas des copains, ça ne se fait pas. On souhaite qu'il parte", dit à l'AFP un agriculteur de l'Oise, Eric Labarre, adhérent FNSEA, après un débat organisé au pied levé avec des représentants des trois principaux syndicats agricoles.
A la tête de la FNSEA, Arnaud Rousseau s'affiche plus conciliant dans la soirée sur LCI, en citant un "certain nombre d'avancées dont nous nous réjouissons", en particulier la perspective d'un "plan de trésorerie" élaboré à partir de lundi pour les agriculteurs en difficulté ou encore la volonté de reconnaître dans la loi que l'agriculture est "d'intérêt général majeur".
"Il fallait probablement qu'on passe par ce moment de colère", a-t-il estimé.
- Prix minimum -
Le calme a fini par revenir avec la mise sous cloche du hall où Emmanuel Macron a poursuivi sa visite, le contraste étant saisissant entre les allées clairsemées autour de lui et celles bondées dans les autres pavillons.
La pagaille a en tout cas retardé l'ouverture du salon aux visiteurs, et fortement compliqué l'accès au hall le plus couru, celui des animaux, théâtre des empoignades avec les forces de l'ordre et des huées.
La première journée de ce soixantième Salon de l'agriculture a tout de même été marquée par une grande affluence, les visiteurs se pressant dans les allées non fermées au public.
Sur le fond, Emmanuel Macron a donné rendez-vous aux représentants syndicaux d'ici trois semaines, après le Salon, qui durera jusqu'au 3 mars.
Il a répété que le gouvernement avait pris 62 engagements en réponse au mouvement qui a explosé le 18 janvier et a fait plusieurs annonces, dont la création d'un "prix plancher" pour mieux rémunérer les agriculteurs.
Ce prix minimum pour le lait ou la viande de boeuf irait plus loin que les lois Egalim actuelles censées garantir aux agriculteurs une rémunération donnée dans les contrats avec les industriels et les grandes surfaces. Le gouvernement veut une nouvelle loi Egalim d'ici l'été.
Mais la FNSEA se montre sceptique: "D'une région à l'autre on n'a pas les mêmes charges (...) le prix minimum on n'en veut pas parce que sinon ça nous bloquerait le prix vers le bas et finalement nous ramènerait vers un Smic agricole", a déclaré à TF1 un des vice-présidents du syndicat, Luc Smessaert.
Quant à l'intérêt général majeur de l'agriculture, une source au sein de l’exécutif indique cela "emporte des conséquences juridiques". C'était une revendication de la FNSEA et pourrait par exemple faciliter la construction de projets dédiés à l'irrigation agricole malgré la présence d'espèces protégées.
Le président a aussi posé les jalons d'un débat à distance avec le Rassemblement national, avant les élections européennes de juin où le parti est annoncé favori dans les sondages. A la veille de la visite du président du RN Jordan Bardella, il a dénoncé un "projet de décroissance et de bêtise" qui consisterait à "sortir de l'Europe".
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(E.Taylor--TAG)