Royaume-Uni: les aveugles confrontés à une pénurie de chiens guides
Charles Bloch se souvient encore de sa première balade avec son chien guide, Carlo, il y a sept ans. Mais son labrador va bientôt prendre sa retraite et son maitre malvoyant sait que la liste d'attente est longue pour obtenir un nouveau compagnon.
"J'ai tout de suite vu les avantages. Et je me suis dit que cela allait changer beaucoup de choses pour moi", raconte Charles Bloch, 29 ans, qui travaille dans un théâtre de Coventry, dans le centre de l'Angleterre.
Carlo, un Labrador croisé Golden Retriever, "un peu coquin" mais "gros travailleur", est devenu "comme son bras droit".
Mais dans les deux ans, Carlo, 9 ans, va raccrocher sa laisse et prendre sa retraite, qui intervient en général après 6 ou 7 ans de service. Or l'attente est longue désormais pour obtenir un nouveau compagnon.
L'arrêt de l'élevage et du dressage des chiots pendant la pandémie de Covid-19 a entraîné un "retard important", explique l'association Guide Dogs, le plus grand dresseur de chiens guides d'aveugles au Royaume-Uni.
"Nous ne pouvions pas dresser de chiens, ni former des personnes. Finalement, nous avons été autorisés à redémarrer, mais de manière très progressive et lente", dit Tony Murray, le chef des opérations à Guide Dogs à Leamington Spa, dans le centre de l'Angleterre.
Le Brexit a aussi affecté le recrutement. Or les entraîneurs de chiens guides font un travail "vraiment unique".
L'attente pour un chien guide est d'au moins d'un an, "mais probablement plutôt 18 mois, et dans certains cas, deux ans", dit-il.
- A l'écart -
Si Carlo n'était pas remplacé, Charles Bloch devrait utiliser à nouveau une canne blanche.
Quand ils marchent ensemble, Carlo équipé de son harnais navigue entre les obstacles, fait savoir à son maitre quand ils approchent d'un escalier ou arrivent à un croisement.
Charles Bloch, qui conserve une partie de sa vue, serait capable de se déplacer avec une canne, même si cela le limiterait "un peu plus". Pour ceux qui ne voient pas du tout, la perte de leur chien guide serait par contre "très restrictive", souligne-t-il.
"Ils ont déjà l'impression d'être à l'écart au monde. Alors ne pas avoir de chien leur donnerait encore plus l'impression d'être (...) reclus".
"L'objectif ultime" est de disposer d'un chien de remplacement lorsqu'un chien guide prend sa retraite, mais "on ne peut pas fabriquer un chien à la demande", explique Tony Murray.
Il se dit "très confiant" sur leur capacité à revenir à la situation d'avant-pandémie, mais cela prendra du temps.
Elever et dresser un chien guide prend plusieurs mois.
Agés de quelques semaines, les chiots vont vivre avec des bénévoles pour une première socialisation et une formation de base. Entre 12 et 14 mois, les chiens commencent leur éducation formelle, qui dure environ 22 semaines.
Le taux de succès est inférieur à 60%, mais s'ils réussissent, les chiens sont mis en relation avec un maître.
- Energie mentale -
Au centre de Leamington Spa, Zoey Scott entraine un jeune chien sur un parcours d'obstacles composé de barrages routiers en plastique et de cônes de signalisation.
Il faut "beaucoup d'énergie mentale" aux chiens pour suivre le dressage, explique-t-elle.
Mais "je suis ravie de voir à quel point des chiens que j'ai entrainés font la différence, et de voir les sourires sur les visages" de leur maitre.
Avant d'avoir Carlo, Charles Bloch se souvient avoir eu le sentiment, à l'université, qu'il y avait une "grande barrière" avec les autres personnes, et de sa difficulté à rencontrer du monde.
"Mais avec Carlo, cette barrière a disparu en quelques jours, parce que tout le monde voulait dire +bonjour+ et discuter".
Il assure même que cela a permis d'améliorer ses résultats. Et lors de la cérémonie de remise de diplôme, ils sont montés ensemble sur scène.
(A.Lehmann--BBZ)