Scholz prône à Pékin un rapprochement malgré la controverse
Le chancelier allemand Olaf Scholz a plaidé vendredi à Pékin pour "davantage" de coopération avec la Chine, mais aussi des relations commerciales "équitables", dans un climat de défiance croissante de l'Occident vis-à-vis de la deuxième puissance mondiale.
"Nous ne sommes pas des partisans d'un découplage" des relations économiques avec la Chine, a-t-il déclaré avant un entretien avec son homologue Li Keqiang à Pékin.
"Mais il est aussi clair pour nous que cela est lié à des relations économiques équitables, avec une réciprocité, à la question d'une ouverture réciproque aux investissements", a-t-il ajouté.
Très controversé, ce déplacement de quelques heures est le premier d'un dirigeant de l'Union européenne et du G7 en Chine depuis le début de la pandémie il y a près de trois ans.
La visite, qui survient juste après la reconduction du président Xi Jinping à la tête du Parti communiste chinois et du pays, est vue d'un oeil critique en Allemagne, mais aussi en France, à Bruxelles et Washington.
"Il est bon que nous puissions échanger ici sur toutes les questions, y compris celles pour lesquelles nous avons des points de vue différents. C'est à cela que sert l'échange", a insisté le chancelier allemand dans l'enceinte majestueuse du Palais du peuple, qui donne sur la place Tiananmen.
- "Respect mutuel" -
"Nous nous rencontrons à un moment de grandes tensions causées notamment par la guerre de la Russie en Ukraine", a souligné M. Scholz, alors que la Chine revendique sa neutralité - vue par les Occidentaux comme un soutien tacite au Kremlin.
Le chancelier allemand a demandé au président Xi de faire jouer "son influence" sur la Russie afin qu'elle mette fin à sa "guerre d'agression" contre l'Ukraine.
"La Chine et l'Allemagne doivent se respecter mutuellement" et "résister conjointement aux interférences" dans leur relation, a pour sa part estimé Xi Jinping.
"Nous espérons que l'Allemagne poursuivra une politique positive à l'égard de la Chine", a dit l'homme fort de Pékin, cité par la télévision nationale CCTV.
"Tant que l'Allemagne ne critique pas Pékin, les relations seront harmonieuses, tel est en substance le message adressé" par Xi Jinping, décrypte pour l'AFP Thorsten Benner, de l'Institut des politiques publiques mondiales (GPPi) à Berlin.
A sa descente d'avion, la délégation allemande, qui compte une soixantaine de personnes, a été accueillie par la garde militaire et du personnel de santé en combinaison intégrale pour effectuer des tests de dépistage du Covid-19.
La politique stricte du zéro Covid a conduit Pékin à fermer ses frontières depuis 2020.
- Ressentiment et pression -
Renouant avec les visites en Chine de son prédécesseur, la démocrate-chrétienne Angela Merkel (12 voyages en 16 ans de pouvoir), le social-démocrate Scholz est accompagné d'une délégation d'industriels, dont les patrons de Volkswagen et BASF.
Or, la dépendance de la première économie de l'UE à la Chine, où les entreprises allemandes réalisent une part importante de leurs profits, est de plus en plus remise en question.
La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock s'est prononcée pour "ne plus dépendre d'un pays qui ne partage pas nos valeurs", au risque de se rendre "politiquement vulnérables au chantage".
Quelques jours avant le voyage, le chancelier allemand a cependant autorisé une prise de participation chinoise dans le terminal portuaire de Hambourg (Nord).
"Malgré le ressentiment et la pression à l'encontre des politiques industrielles de la Chine", M. Scholz "semble décider de passer outre pour le moment", relève le politologue Shi Yinhong, de l'université Renmin à Pékin.
"La Chine, dans le contexte national et international actuel, a besoin de sa visite", souligne M. Shi auprès de l'AFP.
Ce déplacement "confère une légitimité internationale" à Xi Jinping et "montre que la Chine n'est pas isolée", remarque Noah Barkin, chercheur au Fonds Marshall allemand à Berlin.
- "Pas une option" -
Dans un communiqué, le patron de Volkswagen en Chine, Ralf Brandstatter, a volé au secours du chancelier: "en Europe et en Allemagne, beaucoup pensent que cette visite est inappropriée. Pour moi, ce n'est pas le cas".
"Le découplage ne peut pas être une option sérieuse pour les deux pays", a-t-il souligné, rappelant que "la Chine est le plus important partenaire commercial de l'Allemagne".
Tentant de calmer les esprits, M. Scholz a promis "de ne pas faire l'impasse sur les controverses" durant cette visite.
Dans une tribune publiée juste avant son départ, le chancelier se dit conscient que "la Chine d'aujourd'hui n'est plus la même qu'il y a cinq ou 10 ans".
(T.Burkhard--BBZ)