La Banque d'Angleterre remonte ses taux plus vite, mais se prépare déjà à ralentir
La Banque d'Angleterre (BoE) a procédé jeudi à la plus forte hausse de son principal taux directeur depuis 1989 pour contrer l'inflation, tout en signalant que le marché surestimait sa volonté de poursuivre des hausses qui pèsent sur l'économie, entraînant un plongeon de la livre.
La BoE vise une inflation de 2%, et comme celle-ci dépasse actuellement 10%, "de nouvelles hausses (de son principal taux directeur) seront nécessaires pour atteindre notre objectif, cependant le sommet sera moins haut que le marché ne le prévoit", a indiqué la BoE dans un résumé de sa réunion.
Jeudi, elle a relevé son principal taux de 0,75 point à 3%, au plus haut depuis 2008, emboîtant le pas à la Banque centrale européenne et à la Réserve fédérale américaine, qui ont toutes deux relevé d'autant, ces derniers jours, leurs taux directeurs.
Mais la BoE, qui avait été l'une des premières banques à les relever fin 2021, est désormais l'une des premières à évoquer un ralentissement à venir.
Souvent accusée d'envoyer des signaux peu limpides aux marchés, la Banque d'Angleterre a opté pour un message explicite en leur assurant que leur attente d'un taux à plus de 5% en 2023 serait trop néfaste pour l'économie britannique.
"Le Comité de politique monétaire ne suit pas le marché", a asséné le gouverneur Andrew Bailey lors d'une conférence de presse.
Il reconnaît qu'en relevant les taux de 0,75 point, il met notamment en difficulté les ménages qui empruntent pour acheter, "mais si nous n'agissons pas contre l'inflation, cela va empirer", ajoute-t-il.
Dans ses projections, qui s'appuient toujours sur des taux qui évolueraient en conformité avec les paris du marché, la BoE dépeint en effet un paysage économique lugubre, avec huit trimestres consécutifs de contraction de l'économie à partir de mi-2022, la plus longue récession connue par le Royaume-Uni.
Dans cette hypothèse, le coût des emprunts deviendrait trop élevé pour les ménages et les entreprises, et s'ajouterait à la crise du coût de la vie provoquée par l'invasion russe de l'Ukraine et l'envolée des prix de l'énergie.
L'inflation, quant à elle, "devrait reculer bien en dessous de l'objectif de 2% dans deux ans, et encore plus bas dans trois ans", précise la BoE.
Mais même si le taux directeur restait à 3%, la récession durerait jusqu'à la fin de l'année prochaine, prévient-elle.
"Les chercheurs de la Banque s'attendent à ce que le PIB se soit contracté de 0,5% au troisième trimestre, soit 0,9 point de pourcentage plus bas que prévu" précédemment, explique le Comité de politique monétaire (MPC) dans ses minutes.
L'inflation devrait avoir atteint un pic à un peu moins de 11% en octobre, un peu moins qu'attendu en raison de mesures gouvernementales de limitation des prix de l'énergie, et rester à plus de 10% au moins jusqu'au premier trimestre 2023.
- Décision "à l'aveugle" -
L'exercice de projection de la BoE est particulièrement périlleux en raison de l'incertitude politique au Royaume-Uni et plusieurs observateurs ont noté qu'une fois encore, la Banque prenait sa décision "à l'aveugle".
En septembre déjà, elle avait remonté son principal taux directeur de 0,5 point de pourcentage à la veille d'annonces budgétaires dont le coût très élevé avait semé la panique sur les marchés, poussant la Première ministre Liz Truss à la démission.
Désormais, la Banque attend le 17 novembre les décisions de son successeur Rishi Sunak, qui a au contraire promis un plan de rigueur à base de baisses des dépenses et de hausses des impôts.
"L'inflation est l'ennemi, elle pèse sur les familles, les retraités et les entreprises à travers le pays", a réagi dans un communiqué le ministre des Finances Jeremy Hunt.
"La priorité du gouvernement doit être de restaurer la stabilité, de régler nos finances publiques et de faire baisser la dette pour empêcher que les taux montent", a-t-il ajouté.
Sans surprise, le marché favorisait le dollar à la livre, qui plongeait face au billet vert alors que le patron de la Fed Jerome Powell a affirmé la veille que le risque était au contraire de ne pas assez resserrer la politique monétaire.
"Il y a une grosse différence entre l'inflation américaine et l'inflation européenne: le choc de la pandémie nous a tous affectés, mais pas la guerre en Ukraine", a argué Ben Broadbent, gouverneur adjoint de la BoE, lors de la même conférence de presse.
(K.Lüdke--BBZ)