Feu vert de Berlin à une participation chinoise limitée dans le port de Hambourg
L'Allemagne a décidé mercredi d'autoriser l'investissement controversé d'un groupe chinois dans un terminal portuaire à Hambourg, en limitant la part cédée pour tenter d'apaiser les critiques contre ce projet qui divise profondément la majorité d'Olaf Scholz.
Le groupe chinois Cosco ne pourra plus acquérir qu'une part "inférieure à 25%" dans le terminal de conteneurs Tollerort appartenant à la société allemande HHLA, au lieu des 35% visés à l'origine, a indiqué le ministre de l'Economie, invoquant la protection "de la sécurité et l'ordre public".
Ce compromis, validé en Conseil des ministres, vise à faire taire les critiques à l'égard du chancelier Olaf Scholz, en Allemagne et dans l'Union européenne, pour son soutien supposé à l'investissement chinois.
"Le chancelier est convaincu que cette participation, telle qu'elle a désormais été approuvée, ne crée aucune dépendance stratégique", a déclaré une de ses porte-parole Christiane Hoffmann lors d'une conférence de presse régulière.
L'annonce intervient aussi alors qu'Olaf Scholz doit se rendre la semaine prochaine en Chine, la première visite officielle d'une dirigeant européen depuis novembre 2019.
- "Battage sans fondement"
Selon les médias allemands, Olaf Scholz, lui-même ancien maire de Hambourg, a refusé de bloquer cette transaction qui a fait l'objet d'un accord préliminaire avec Cosco il y a un an.
Ce faisant, il s'est attiré la foudre de six ministères de son gouvernement, dont ceux de l'Économie, de l'Intérieur et de la Défense, qui étaient opposés au projet. Une situation rarissime.
Pékin a réagi à l'annonce en laissant perler une certaine irritation.
"Nous espérons que les parties concernées vont considérer une collaboration pragmatique entre la Chine et l'Allemagne, de façon rationnelle, et arrêter de faire un battage sans fondement", a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères Wang Wenbin.
La compagnie de logistique et de transport HHLA, qui exploite trois terminaux à conteneurs au port de Hambourg, a souligné l'importance de l'investissement pour le maintien des emplois et le renforcement du rôle de la ville hanséatique en tant que plateforme stratégique de commerce avec l'Asie.
Hambourg est le premier port commercial d'Allemagne et le troisième en Europe derrière Rotterdam (Pays-Bas) et Anvers (Belgique). Cosco est, lui, le premier armateur chinois.
- Décision "naïve" -
Le compromis prévoit des garde-fous visant à écarter une possibilité d'influence de Cosco dans les activités du terminal.
Toute volonté de monter au capital sera examinée de près par le ministère, et Cosco n'est pas autorisé à négocier "des droits de veto sur des décisions stratégiques ou de personnel".
Au final, l'investissement est réduit à "une participation purement financière", assure Berlin.
Les partisans du projet ont fait valoir que des prises de participations chinoises existent déjà dans d'autres ports d'Europe, et que Hambourg pourrait souffrir d'un désavantage compétitif.
Les opposants estiment que les temps ont changé. L'UE accorde une plus grande importance à la protection des infrastructures critiques depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Pour eux, le danger est grand aussi de voir l'Allemagne reproduire les erreurs du passé quand elle s'est rendue dépendante au gaz russe.
"C'est mieux de vendre 24,9% que plus de 30%, mais la décision est mauvaise", a réagi le président de la commission parlementaire aux affaires européennes Anton Hofreiter.
L'argument du chancelier "selon lequel il s'agit d'un projet scientifique rappelle les déclarations autour de la Russie et (du gazoduc) Nord Stream", a déclaré l'écologiste dans une réaction au groupe de médias Funke, jugeant la position "dans le meilleure des cas naïve".
Le chef de l'opposition conservatrice Friedrich Merz a lui aussi qualifié la décision d'autoriser l'investissement de "mauvaise", estimant qu'il s'agit à ses yeux "d'une question fondamentale portant sur les intérêts sécuritaires" de l'Allemagne.
Premier partenaire économique de l'Allemagne et marché vital pour son puissant secteur automobile, Pékin a longtemps été ménagée par Berlin, qui a toutefois durci le ton depuis un an.
Les ministres écologistes des Affaires étrangères et de l'Économie prônent notamment une plus grande fermeté envers la Chine, pointant ses menaces récurrentes contre Taïwan et les exactions dont elle est accusée contre les Ouïghours dans la région du Xinjiang.
(F.Schuster--BBZ)