Assurance chômage: le Sénat durcit le texte
Le Sénat à majorité de droite a donné mardi, contre l'avis du gouvernement, un tour de vis au projet de loi relatif à l'assurance chômage, examiné en première lecture, en votant l'exclusion du bénéfice d'une indemnisation pour les personnes ayant refusé trois offres de CDI à l'issue d'un CDD.
Adopté le 12 octobre en première lecture par l'Assemblée nationale, ce texte prévoit dans un premier temps de prolonger les règles actuelles de l'assurance chômage, issues d'une réforme contestée du premier quinquennat Macron et qui arrivent à échéance au 1er novembre. Il enclenche aussi la possibilité, par décret, de moduler l'assurance chômage en fonction du marché de l'emploi, promesse de campagne d'Emmanuel Macron.
Le système actuel "reste construit pour répondre à un concept de chômage de masse, sans être suffisamment incitatif au retour à l'emploi", a déclaré le ministre du Travail, Olivier Dussopt, soulignant que "60% des entreprises éprouvent des difficultés à recruter".
Ce mécanisme de modulation ou "contracyclicité" fait actuellement l'objet d'une concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux qui "devrait durer 6 à 8 semaines pour aboutir d'ici à la fin de l'année", a précisé M. Dussopt.
Les rapporteurs Frédérique Puissat (LR) et Olivier Henno (centriste) ont inscrit ce principe de la modulation en toutes lettres dans la loi, avec le soutien du ministre.
M. Dussopt s'est en revanche montré défavorable à une autre mesure introduite en commission, qui prévoit qu'un demandeur d'emploi ayant refusé trois propositions de CDI à l'issue d'un CDD ne puisse pas avoir droit à l'assurance chômage.
Des sénateurs LR, dont leur chef de file Bruno Retailleau, ont échoué à durcir cette disposition dans l'hémicycle. Un amendement prévoyant la privation d'indemnisation au premier refus a été rejeté d'extrême justesse.
Laurent Duplomb (LR) a défendu l'objectif de revenir aux "vraies valeurs du travail", Mme Puissat estimant qu'"on ne peut pas faire des choix de vie qui sont payés par des systèmes assurantiels".
"Nous n'avons qu'à supprimer l'allocation chômage", s'est emportée à gauche Monique Lubin (PS), dénonçant "une course à l’échalote".
Le Sénat a ensuite adopté un autre amendement LR visant à exclure de l'allocation chômage les intérimaires qui n’acceptent pas un CDI proposé sur le poste qu’ils occupent en intérim.
Quant à la disposition assimilant "l'abandon de poste" à une démission, introduite à l'Assemblée par des amendements de la majorité présidentielle et des LR, les sénateurs ont précisé la procédure applicable afin de la "sécuriser".
- "Déni de solidarité" -
La gauche est vent debout contre un texte qui "stigmatise les demandeurs d'emploi et les fait passer pour des profiteurs", selon Mme Lubin.
Les groupes PS et Ecologiste ont apporté leurs voix à une motion de procédure du groupe CRCE à majorité communiste visant au rejet d'emblée du projet de loi. Elle a néanmoins été repoussée par 252 voix contre 92.
Cathy Apourceau-Poly (CRCE) a dénoncé "un déni de solidarité". "Nos chances d'améliorer ce texte sont à peu près nulles", a estimé Laurence Rossignol, pointant "beaucoup de points de convergence" entre le gouvernement et la droite sénatoriale.
"Afin de redonner la main aux partenaires sociaux", les sénateurs ont réécrit l'article premier du texte qui prévoit la prolongation - au plus tard jusqu'au 31 décembre 2023 - des règles actuelles de l'assurance chômage. La date butoir a été ramenée au 31 août. Cette période "devra être utilisée pour engager des concertations destinées à faire évoluer la gouvernance de l'assurance chômage", a indiqué Mme Puissat.
"Sans réforme globale et profonde, le paritarisme aura vécu", a mis en garde le centriste Jean-Marie Vanlerenberghe.
Opposé à la réécriture des sénateurs, le ministre a rappelé de son côté s'être engagé sur l'ouverture de négociations sur la gouvernance.
Autre point rectifié par les sénateurs en commission: les paramètres du bonus-malus, dispositif qui a vocation à limiter les contrats courts. Ils ont notamment exclu du dispositif les fins de missions d'intérim.
Un autre volet du projet de loi prévoit de faciliter la validation des acquis de l'expérience (VAE). Les sénateurs souhaitent l'ouvrir encore davantage.
Le Sénat poursuivra en soirée l'examen des articles. Une fois le texte voté par la Haute assemblée en première lecture, députés et sénateurs tenteront de s'accorder sur une version commune en commission mixte paritaire.
(P.Werner--BBZ)