Les litières pour chat à l'école, "fake news" au coeur des élections législatives américaines
Plusieurs candidats aux élections américaines de mi-mandat ont repris un mythe devenu viral selon lequel des écoles avaient installé des litières pour les élèves s'identifiant comme des chats. Ils se sont attirés des moqueries, mais des analystes y voient une stratégie calculée, sérieuse et efficace.
Au moins vingt candidats conservateurs, dont beaucoup de républicains déjà en poste, ont affirmé que certaines écoles stockaient des sacs de litière à destination des élèves qui s'"identifiaient comme des animaux", selon une compilation de déclarations publiques réalisée par NBC News.
C'est ce que certains observateurs appellent "la désinformation zombie" --des mensonges qui continuent de circuler même s'ils ont été réfutés à plusieurs reprises par des "fact-checker". Dans ce cas de figure, l'information a même été démentie par des écoles mais aussi par un élu républicain qui avait lui-même relayé l'information avant de s'excuser en mars.
La vague de désinformation lors de la campagne des élections de mi-mandat fait écho à une plus large guerre culturelle qui a lieu aux Etats-Unis au sujet des droits des personnes transgenres et des écoles qualifiée de "woke", sensibilisant les élèves à l'identité transgenre --des problématiques auxquelles l'électorat conservateur est très sensible.
"Les élus qui continuent à relayer ces histoires pourtant démenties le font car ils trouvent cela politiquement opportun, qu'ils y adhèrent ou non", estime auprès de l'AFP Joshua Tucker, professeur de sciences politiques et co-directeur du Center for Social Media and Politics de l'université de New York.
"Et tant que nous serons dans une époque où l'identité et la culture sont à l'origine des principaux clivages politiques de la société américaine," explique-t-il, "nous continuerons de voir des personnalités politiques se raccrocher à des revendications farfelues pour démontrer de quel côté ils sont dans la guerre culturelle."
- "Impératif électoral" -
Les personnalités politiques conservatrices sont ainsi poussées à insinuer qu'elles croient à cette désinformation, explique à l'AFP Matthew Motta, un professeur assistant à l'université de Boston.
"La recherche en sciences politiques suggère que les questions de guerre culturelle comme celles-ci (droits LGBT, questions "woke", etc.) sont relativement faciles à intégrer pour les électeurs", explique l'universitaire, ajoutant que "les élus républicains peuvent faire circuler des informations erronées pour tenter d'améliorer leur position électorale."
Les femmes et hommes politiques conservateurs sont depuis longtemps accusés d'amplifier les faux discours --de l'affirmation relayée par l'ancien président Donald Trump selon laquelle l'élection de 2020 a été volée à la désinformation sur la pandémie de Covid-19 en passant par la théorie du complot QAnon.
Une analyse réalisée par le Center for Social Media and Politics de l'université de New York à partir des publications Facebook des candidats au Congrès a révélé que les candidats républicains, pour ces élections de mi-mandat, ont partagé plus de liens vers des sources d'information non fiables qu'en 2020.
Le rapport constate que "les candidats républicains qui ne sont pas des élus sortants partagent systématiquement plus de sources non fiables que les républicains en poste."
- "Besoin" de confusion -
Hemant Kakkar, un professeur assistant de l'université Duke, met cependant en garde contre le risque d'accentuer le clivage déjà existant autour de la désinformation en assimilant tous les conservateurs à des promoteurs de fausses informations.
"Dans nos recherches, nous avons remarqué que certains conservateurs peu scrupuleux ont besoin de créer la division, le désordre et la confusion lorsqu'il s'agit de relayer des fausses informations", affirme-t-il à l'AFP, soulignant tout de même que ce phénomène restait minoritaire.
L'incapacité à stopper la propagation du "canular de la litière" pourrait néanmoins avoir des conséquences réelles, des militants avertissant que la désinformation pourrait entraîner davantage de stigmatisation, de violence et de discrimination à l'encontre des minorités sexuelles, en particulier concernant les personnes transgenres et non binaires.
(K.Lüdke--BBZ)