Les taux étouffent Wall Street, en baisse malgré de bons résultats d'entreprises
La Bourse de New York a terminé en baisse jeudi, asphyxiée par la hausse des taux obligataires, qui ont enregistré de nouveaux sommets depuis la crise financière de 2008.
Le Dow Jones a perdu 0,30%, l'indice Nasdaq a reculé de 0,61% et l'indice élargi S&P 500 a cédé 0,80%.
La séance avait démarré dans le vert, soutenue par un ballet de publications de sociétés qui avaient, pour l'essentiel, surpris favorablement les analystes.
La caravane comprenait notamment IBM (+4,73% à 128,30 dollars), dont le chiffre d'affaires et le bénéfice net trimestriels sont ressortis supérieurs aux attentes, avec en vedette l'informatique à distance (cloud) et les infrastructures. Le groupe d'Armonk (État de New York) a relevé sa prévision de croissance pour l'ensemble de l'exercice.
Autre action en vue, celle de l'opérateur télécoms AT&T (+7,72% à 16,74 dollars), qui a aussi fait mieux que prévu tant pour ses revenus que ses profits, tiré par sa performance dans les téléphones mobiles.
Egalement au-dessus des anticipations, la compagnie aérienne American Airlines, qui a bénéficié de l'accélération de la fréquentation ainsi que de hausses de tarifs, qui ont dopé ses revenus par passager. Le titre a cependant reculé de 3,79% à 13,46 dollars.
Mais les indices ont fini par marquer le pas, pour passer finalement dans le rouge, et terminer en baisse pour le deuxième jour d'affilée.
"C'est clairement dû aux mouvements sur les taux obligataires", a commenté Jack Ablin, de Cresset Capital, "et il pourrait aussi y avoir eu un peu de déplacements de capitaux des Etats-Unis vers le Royaume-Uni", suite à l'annonce de la démission de la Première ministre britannique Liz Truss, qui a plu aux investisseurs.
Le rendement des emprunts d'Etat américains à 10 ans est monté jeudi jusqu'à 4,23%, une première depuis juin 2008, contre 4,09% la veille.
Quant au taux à 2 ans, plus sensible généralement aux anticipations des investisseurs quant à la politique monétaire de la banque centrale américaine (Fed), il a atteint 4,61%, un sommet de 15 ans.
"Pour une bonne partie de Wall Street, en ce moment, il n'y a que les taux qui comptent", a expliqué Edward Moya, d'Oanda. "Beaucoup d'opérateurs tablent déjà sur (un taux directeur de la Fed à) 5% d'ici le milieu de l'année prochaine. Donc l'économie va encore souffrir bien davantage et cela coupe l'appétit pour le risque."
Les opérateurs accordent désormais au scénario d'un taux directeur de la Fed à au moins 5% d'ici mai prochaine une probabilité de 60%, alors qu'ils n'envisageaient même pas cette hypothèse il y a un mois, selon le modèle de la Bourse CME.
Face à cette lame de fond, la série de satisfecits délivrés aux entreprises après des publications solides ne fait pas le poids.
"Tout le monde réalise qu'on a eu tellement de révisions de prévisions à la baisse qu'il faudrait vraiment avoir fait un trimestre affreux pour manquer" l'objectif fixé par les analystes, fait valoir Edward Moya. "Toutes les bonnes nouvelles ont déjà été digérées."
Illustration de ce manque d'entrain, Netflix a glissé jeudi (-1,55% à 268,16 dollars), moins de 48 heures après avoir dépassé très largement les projections du marché et annoncé un gain de 2,4 millions d'abonnés en net.
Ailleurs à la cote, Tesla (-6,33% à 207,28 dollars) a dévissé après avoir reconnu qu'il n'atteindrait probablement pas ses objectifs de livraisons pour 2022, une déception attribuée par le constructeur automobile à des difficultés logistiques davantage qu'à un essoufflement de la demande, considérée comme "excellente" par le directeur général Elon Musk.
Le groupe minier FreeportMcMoRan (+2,68% à 29,12 dollars) a surfé sur des résultats plus élevés qu'attendu, profitant d'une hausse marquée de sa production, qui a compensé la baisse du prix moyen de l'or et du cuivre.
(Y.Berger--BBZ)