Budget de la Sécu: le gouvernement dégaine un nouveau 49.3 après une série de déboires
Un 49.3 déclenché sur le budget de la Sécu, après celui sur le budget de l'Etat: Elisabeth Borne a mis en jeu la responsabilité du gouvernement jeudi devant l'Assemblée nationale, pour la deuxième fois en deux jours, après plusieurs revers sur ce nouveau texte contesté.
"Nous avons besoin" de cette partie recettes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale car "sans elle, nous ne pourrions poursuivre le débat" sur la suite du texte, "qui porte des réformes majeures en matière de prévention, de santé, de politique familiale ou d'autonomie", a justifié la cheffe du gouvernement à la tribune de l'Assemblée, en actionnant l'arme constitutionnelle au bout d'une journée seulement de discussions.
Mme Borne a indiqué que le texte soumis au 49.3 avait été "modifié, enrichi, amélioré, en tenant compte des débats en commission", avec notamment la prolongation des exonérations patronales pour l'emploi de travailleurs occasionnels agricoles.
Après au total une dizaine de jours tumultueux au Palais Bourbon, une pause s'ouvre dans les débats jusqu'à lundi 16H00. La Première ministre sera alors confrontée à une première salve de motions de censure déposées par la Nupes et les députés RN, après son recours au 49.3 pour faire adopter sans vote la partie recettes du projet de budget 2023 de l'Etat.
Les motions n'ont quasi aucune chance d'être adoptées et de faire tomber le gouvernement: les élus RN ont exclu "a priori" de voter pour un texte de la Nupes, et vice versa. Et le chef de file des députés LR, Olivier Marleix, refuse d'"ajouter du chaos au chaos" en apportant les voix de la droite.
La partie recettes sera alors considérée comme adoptée en première lecture et l'Assemblée pourra passer à l'examen de la seconde partie, consacrée aux dépenses, à partir de jeudi 27 octobre.
La cheffe du gouvernement aura à faire face à au moins une autre motion de censure, de la part des députés Nupes en lien avec le 49.3 de jeudi sur le budget 2023 de la Sécu. C'est un nouveau "passage en force", a dénoncé la patronne des députés LFI, Mathilde Panot, devant la presse: "double 49.3 égale double motion de censure".
Elle pourrait être mise au vote lundi également, de source parlementaire. Les élus RN se réservent la possibilité de déposer également une nouvelle motion.
"Tout le monde est pendu à cette mécanique du 49.3 mais ce n'est rien de grave", relativisait dans les couloirs l'élu MoDem Erwan Balanant. "On constate qu'il n'y a pas de majorité suffisante, face à des oppositions qui se liguent" mais n'ont pas de programme alternatif, taclait-il.
- "Dénaturé" -
Comme en "sursis", les députés avaient entamé jeudi matin l'examen de ce nouveau texte dans une tension allant croissant.
"La balle est dans votre camp", avait lancé aux députés le ministre de la Santé, François Braun. Mais le "spectre" du 49.3 "hante l'hémicycle", lui avaient rétorqué les élus de gauche.
Et les échanges avaient très mal débuté pour l'exécutif: les deux premières parties du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) avaient été rejetées. Elles portaient sur les comptes 2021 et l'exercice 2022, que la Première ministre a considéré comme "dénaturé" par les votes des oppositions.
Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, s'était élevé contre une "opposition pavlovienne" aux projets de budgets et contre des "postures".
"(Vous) surjouez l'indignation peut-être pour donner des raisons" au 49.3, avait rétorqué la cheffe des députés RN, Marine Le Pen.
Même s'il n'était finalement pas prévu d'amendement réformant les retraites - piste élyséenne qui avait suscité l'ire de l'opposition et le malaise d'une partie de la majorité -, l'examen s'annonçait très difficile pour l'exécutif. Les députés avaient déposé plus de 3.000 amendements.
Le PLFSS anticipe une forte baisse du déficit à 6,8 milliards en 2023 (17,8 milliards cette année), reposant sur une fonte spectaculaire de la facture Covid.
Il projette des économies de 1,1 milliard d'euros sur le remboursement des médicaments et 250 millions sur les laboratoires d'analyses notamment.
Le projet de loi prévoit d'améliorer la prévention, avec des rendez-vous aux âges clés de la vie, et de réformer la formation des médecins généralistes en ajoutant une quatrième année avec des stages "en priorité" dans les déserts médicaux.
Il entend accroître la lutte contre les "abus" d'arrêts de travail prescrits lors de téléconsultations.
M. Attal avait annoncé un amendement afin que les allocations hors retraites ne puissent plus être versées à partir de 2024 sur des comptes bancaires non-européens.
Le gouvernement avait tendu par ailleurs la main sur certains points. Ainsi le transfert à la Sécu des cotisations du régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco, point dur pour la droite, va être repoussé à 2024 via un autre amendement.
Le cumul emploi-retraites des médecins va aussi être encouragé par une exonération de cotisations vieillesse en 2023.
Insuffisant pour le groupe LR, dont les voix étaient clé et qui avait prévu de voter contre ce projet de budget.
La gauche met elle en avant un "manque d'investissements pour notre système de santé et nos hôpitaux".
Marine Le Pen dénonce un texte "aveugle aux difficultés des patients et des professionnels de santé".
Plusieurs mesures sont également critiquées par les professionnels concernés, des biologistes aux internes en médecine.
(T.Burkhard--BBZ)