Budget de la Sécu: nouveau revers pour l'exécutif devant l'Assemblée, un autre 49.3 attendu
Un 49.3 déclenché sur le budget de l'Etat, un second approche sur celui de la Sécu: comme en "sursis", les députés ont entamé jeudi l'examen de ce nouveau texte en rejetant sa première partie, au cours de débats marqués par une tension croissante.
"La balle est dans votre camp", a lancé aux députés le ministre de la Santé François Braun, au coup d'envoi des discussions dans la matinée. Mais le "spectre" de l'arme constitutionnelle du 49.3 "hante l'hémicycle", lui ont rétorqué les élus de gauche.
Mais les échanges ont très mal débuté pour l'exécutif: la première partie, pour approuver les comptes des années 2021 et 2022, a été rejetée par 98 voix contre 72.
"Les recettes et les dépenses étaient insuffisantes" et "nous n'avons pas de raison de vous donner quitus aujourd'hui", a défendu le communiste Pierre Dharréville.
Le ministre des Comptes publics Gabriel Attal s'est aussitôt élevé contre une "opposition pavlovienne" aux projets de budgets et des "postures".
"Vous n'avez pas à nous tancer" et "surjouez l'indignation peut-être pour donner des raisons" au 49.3, a rétorqué la cheffe des députés RN Marine Le Pen.
Ces débats déjà très vifs pourraient être vite interrompus par une nouvelle activation de l'article 49.3. Le Conseil des ministres a autorisé mercredi l'utilisation pour le PLFSS du 49.3, qui pourrait être actionné avant la fin de semaine sur la partie recettes de ce budget. Plusieurs responsables de la majorité ont plaidé en ce sens, pour éviter les mêmes déconvenues que ces derniers jours dans l'hémicycle sur le budget de l'Etat.
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), a elle demandé au gouvernement de "laisser le temps au débat".
S'il n'est finalement pas prévu d'amendement pour une réforme des retraites -- piste élyséenne qui avait suscité l'ire des oppositions et le malaise d'une partie de la majorité--, l'examen s'annonce très difficile pour l'exécutif.
Les députés ont déposé plus de 3.000 amendements qui, sur le papier, doivent être examinés jusqu'au 26 octobre.
- lutte contre la fraude -
Le PLFSS "fait le pari de la santé et de la solidarité" et "j'en suis fier", a assuré M. Braun. Il anticipe une forte baisse du déficit à 6,8 milliards en 2023 (17,8 milliards cette année), reposant sur une fonte spectaculaire de la facture Covid.
Il projette des économies de 1,1 milliard d'euros sur le remboursement des médicaments et 250 millions sur les laboratoires d'analyses notamment.
Le projet de loi prévoit d'améliorer la prévention, avec des rendez-vous aux âges clés de la vie, et de réformer la formation des médecins généralistes en ajoutant une quatrième année avec des stages "en priorité" dans les déserts médicaux.
Il accroît la lutte contre les "abus" d'arrêts de travail prescrits lors de téléconsultations. Il s'agit de façon générale d'adresser un "message de fermeté à l'égard de tous les fraudeurs", a indiqué M. Attal.
Le ministre a annoncé un amendement afin que les allocations hors retraites ne puissent plus être versées à partir de 2024 sur des comptes bancaires non-européens.
Le gouvernement tend la main sur certains points. Ainsi le transfert à la Sécu des cotisations du régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco, point dur pour la droite, va être repoussé à 2024 via un autre amendement.
Le cumul emploi-retraites des médecins va aussi être encouragé, par une exonération de cotisations vieillesse en 2023.
Mais c'est insuffisant pour le groupe LR dont les voix sont clé. Il "votera contre" ce projet de budget, a indiqué son orateur Yannick Neuder en épinglant un "manque d'ambition".
La gauche pilonne de son côté le cadre budgétaire imposé: Hadrien Clouet (LFI) met en avant un "manque d'investissements pour notre système de santé et nos hôpitaux".
Marine Le Pen a elle dénoncé un projet de budget "aveugle aux difficultés des patients et des professionnels de santé".
Autre écueil pour le gouvernement: plusieurs mesures sont vivement critiquées par les professionnels concernés.
Remontés contre les économies demandées, les biologistes et laboratoires d'analyses menacent d'une grève. Courroucé, le secteur du médicament a obtenu déjà du gouvernement des reculs.
Dans un contexte social déjà brûlant, une fronde des internes menace: ils sont opposés à la quatrième année et à l'interdiction envisagée de l'intérim à l'hôpital pour les soignants fraîchement diplômés.
(T.Renner--BBZ)