49.3 sur le budget: pour Le Maire et Attal, "pas un passage en force, le débat a eu lieu"
Au bout de 55 heures en séance à l'Assemblée sur le budget, le recours mercredi à l'arme du 49.3 n'est "pas un passage en force" car "le débat a eu lieu", ont défendu les ministres de l'Economie Bruno Le Maire et des Comptes publics Gabriel Attal, dans un entretien exclusif à l'AFP.
Question - Devoir actionner le 49.3, est-ce un échec, un "aveu de faiblesse" comme l'affirment les oppositions?
Bruno Le Maire - "Non, c'est une nécessité pour que la France ait un budget, pour que nous puissions engager les dépenses pour l'Education nationale, l'hôpital, la Défense, la police, pour financer le bouclier tarifaire et protéger les Français contre l'augmentation des prix de l'électricité et du gaz.
Notre méthode a été depuis le début de l'examen de ce texte le dialogue et l'écoute. Les Dialogues de Bercy, lancés à l'initiative de Gabriel Attal, ont été une première et un grand succès. Il y a eu 55 heures de séance publique (sur la première partie du budget), il n'y avait eu que 37 heures en 2021. Et cela a été un débat de haute tenue. Mais il reste plus de 2.000 amendements à étudier et seulement 9 heures de débat".
Q - Est-ce que ce texte soumis au 49.3 tient la ligne de maîtrise des finances publiques?
Bruno Le Maire - "Nous sommes entrés dans cette discussion avec trois objectifs: tenir les 5% de déficit public en 2023, maintenir une politique de l'offre favorable aux entreprises, et garantir la stabilité fiscale. Nous sortons de ce débat avec un budget qui tient ces objectifs. C'est pourquoi nous ne pouvons pas reprendre tous les amendements votés pour un montant total de 8 milliards d'euros, ni les centaines d'amendements déposés qui portaient création de nouvelles taxes, redevances ou impôts".
- Q: Avec la crise énergétique, ne craignez-vous pas que la trajectoire des finances publiques soit difficile à respecter ?
Bruno Le Maire: "La réponse est oui, ça sera difficile. Mais raison de plus pour ne pas laisser filer la dépense publique dès le début des discussions.
L'incertitude est totale sur les prix de l'énergie: c'est pourquoi nous pouvons être amenés, dans les mois qui viennent, à prendre des mesures supplémentaires pour protéger, soit nos compatriotes soit nos entreprises. Donc le principe de responsabilité, c'est évidemment de garder des réserves financières au cas où la situation devrait se détériorer".
- Q: Quelles sont dans ce texte final vos ouvertures aux propositions de la majorité et des oppositions?
Gabriel Attal: "J'espère que les oppositions ne cherchent pas à ce que des amendements soient retenus comme des trophées, mais plutôt comme des conquêtes pour les Français et l'intérêt général. Donc ce qu'on a regardé, ce n'est évidemment pas l'étiquette politique, mais avant tout les mesures qui étaient proposés pour qu'elles soient utiles et cohérentes avec la ligne qu'on défend qui est celle de favoriser le travail et d'être responsables avec les finances publiques".
Q - Les députés RN et de la Nupes dénoncent un passage en force et ont annoncé des motions de censure. Que leur répondez-vous?
Bruno Le Maire: "Il n’y a pas eu de passage en force. Le débat a eu lieu, et il était de qualité et a permis de présenter des visions qui sont objectivement incompatibles. Entre ceux qui estiment qu'il faut augmenter massivement toutes les taxes et tous les impôts et ceux qui, comme nous, plaident pour la stabilité fiscale ou la baisse des impôts, il est difficile de trouver un compromis. Mais qu'il y ait des divergences, cela s'appelle la démocratie. Que la majorité décide à la fin, cela s'appelle la démocratie. Et que le débat soit nécessaire, cela s'appelle aussi à démocratie".
Q - Le projet de budget de la Sécu est-il lui aussi voué au 49.3?
Gabriel Attal: "Le 49.3, c’est une clé pour avancer quand tout est bloqué. En l'occurrence, après avoir longuement discuté avec elles et après avoir débattu du budget jusqu’au bout, on constate que les oppositions ne souhaitent pas ouvrir la possibilité d'avancer avec nous, ou en tout cas de nous laisser avancer. Dans ces conditions, on prendra aussi nos responsabilités sur le budget de la Sécurité sociale".
Q- Ce n’est pas contradictoire avec la nouvelle méthode basée sur le dialogue, le compromis ?
Bruno Le Maire: "Nous ne débattons pas pour parvenir à un accord puisque depuis l'été, toutes les oppositions ont dit qu'elles ne voteraient pas le projet de budget pour 2023. Nous débattons pour deux choses: d'abord pour améliorer le budget et avoir la copie la meilleure possible. Et pour présenter des options politiques à nos compatriotes, qu'ils puissent se faire une idée de ce que serait un budget avec d'autres forces politiques.
Plus de dialogue est toujours utile pour notre démocratie et pour la Ve République. Le dialogue apaise aussi. Parce que chacun peut présenter ses arguments le temps nécessaire".
(G.Gruner--BBZ)