Des dizaines de milliers de personnes dans la rue pour les salaires et le droit de grève
"Si on ne bloque rien, on ne nous entend pas": des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue mardi en France pour la journée de "mobilisation et grève" interprofessionnelle pour une hausse des salaires et contre les réquisitions de grévistes dans les raffineries.
Au total, 107.000 personnes ont manifesté selon l'Intérieur, "près de 300.000" selon la CGT, organisatrice de cette journée avec FO, Solidaires, la FSU et les organisations de jeunesse Fidl, MNL, Unef et la Vie lycéenne.
Lors de la précédente journée de mobilisation interprofessionnelle, la CGT avait dénombré moins de participants (250.000) mais l'Intérieur davantage (118.500).
A Paris, le cortège - fort de plus de 70.000 manifestants selon la CGT, 13.000 selon la police - s'est élancé vers 14H15 de la place d'Italie, derrière une banderole appelant à des augmentations de salaires et au "respect du droit de grève".
Des incidents sont survenus en fin d'après-midi, avec quelques vitrines brisées par des casseurs et des affrontements, notamment à coup de projectiles, entre des manifestants vêtus de noir et les forces de l'ordre. "Il y a eu très peu de débordements", et au total "onze interpellations", selon le préfet de police de Paris Laurent Nunez sur BFM TV. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a fait état sur Twitter de "huit agents légèrement blessés".
Avant le départ du cortège, le numéro un de la CGT Philippe Martinez a plaidé pour "un plan Orsec" sur les salaires et promis "des suites" à ce mouvement, jugé "plus fort" que lors de la dernière journée d'action du 29 septembre au vu du nombre de champs professionnels appelés à cesser le travail.
Le gouvernement a fait un geste mardi en direction des fonctionnaires, le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, annonçant l'ouverture de négociations début 2023 comme le réclamaient les syndicats.
A Marseille, 2.200 personnes ont manifesté selon la police qui a compté 2.000 participants à Martigues. Entre 1.100 (police) et 1.300 (syndicats) ont répondu à l'appel à Strasbourg. Dont Nadine, 45 ans, salariée dans la métallurgie, qui juge "dommage d'en arriver à un point de blocage pour que ça bouge, mais aujourd'hui si on ne bloque rien, on ne nous entend pas".
- "Ca va péter" -
Ils étaient aussi entre 2.100 (police) et 7.000 (CGT) à Bordeaux. Et, selon la police, 3.650 au Havre, 1.800 à Montpellier, 2.200 à Lyon et 2.700 à Lille, 2.600 à Rennes, où le cortège scandait "Ca ne peut plus durer, ça va péter".
A Nantes, la CGT a recensé 4.000 participants. Toulouse, Bastia ou Ajaccio, étant aussi mobilisés.
Dès le début de matinée, plusieurs lycées ont été bloqués, notamment à Paris. Le ministère de l'Education a annoncé un taux de grévistes de 5,67%, grimpant à 22,94% dans les lycées professionnels mobilisés contre la réforme voulue par le gouvernement.
Dans la fonction publique d'Etat, 5,04% de grévistes étaient recensés à la mi-journée.
Dans les transports, la grève a été modérément suivie à la RATP et n'a pas entraîné de problèmes majeurs sur le réseau SNCF, malgré des perturbations en région parisienne.
Les cheminots "sont déterminés", a affirmé sur Twitter le secrétaire général de la CGT-Cheminots, Laurent Brun, pour qui la "tendance" est à la poursuite du mouvement. Mais à la RATP, il ne devrait pas être reconduit mercredi, selon Bertrand Hammache (CGT).
La SNCF a de son côté annoncé un "retour progressif à la normale" mercredi sur la plupart de ses lignes. Les perturbations les plus importantes concerneront le réseau francilien.
Quarante-huit heures après la "Marche contre la vie chère", le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon est venu en soutien dans une AG de cheminots, Gare de Lyon. "On est dans un moment où toutes les composantes du peuple français (...) doivent faire bloc et former ce front populaire face au gouvernement qui, lui, ne recule devant à peu près rien et qui oppose des 49.3 à répétition", a-t-il déclaré.
- L'étincelle -
Dans l'industrie pétrolière, d'où est parti le conflit fin septembre, la CGT devait décider mardi soir de la suite du mouvement chez TotalEnergies, dans les équipes de raffinage et/ou de dépôt de carburants.
La Première ministre Elisabeth Borne a fait état mardi d'une "amélioration sensible" avec moins de 25% des stations service désormais privées de carburant, au lieu d'un tiers.
Quelque 400 personnes se sont réunies devant la centrale de Gravelines (Nord), plus grande centrale nucléaire française, tandis que la centrale à charbon de Cordemais (Loire-Atlantique) était aussi en grève.
Outre le sujet des salaires et des réquisitions de grévistes, d'autres ingrédients attisent la colère sociale: la perspective d'un 49.3 - "probablement" mercredi, selon le porte-parole du gouvernement Olivier Véran - pour faire adopter le budget à l'Assemblée, le durcissement à venir des règles d'indemnisation des chômeurs ou encore la réforme des retraites attendue pour la fin de l'année.
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(Y.Berger--BBZ)