Le plan économique de Truss aux orties, le retour de l'austérité plane au Royaume-Uni
Le nouveau ministre britannique des Finances Jeremy Hunt a averti lundi de décisions "très dures à venir", faisant craindre un retour de l'austérité après l'abandon du programme économique de la Première ministre Liz Truss, en sursis.
Après une série d'humiliants revirements sur ses promesses de campagne, les jours de la cheffe du gouvernement semblent comptés.
Son nouveau chancelier de l'Echiquier, nommé vendredi dans l'urgence après la tempête sur les marchés déclenchée par le "plan de croissance" de son prédécesseur Kwasi Kwarteng, tient désormais la barre du gouvernement après des semaines de chaos sur les marchés qui ont menacé la stabilité financière du pays.
Sans attendre, M. Hunt a dévoilé lundi les grandes lignes du projet budgétaire de moyen terme qui doit être présenté dans sa totalité le 31 octobre. Avertissant de décisions "très dures" avec des coupes à venir dans les dépenses de l'Etat et des hausses d'impôts, un désavoeu total du plan initial de Liz Truss, il a toutefois assuré que le gouvernement ferait une priorité de "l'aide aux plus vulnérables".
La livre avait chuté à un plus bas historique et les taux d'emprunt à long terme de l'Etat avaient flambé, fragilisant les fonds de pension et faisant grimper les taux d'emprunt des ménages et des entreprises, dans une économie britannique déjà à plat.
La Banque d'Angleterre avait dû intervenir pour empêcher la situation de détériorer en crise financière et le Fonds monétaire avait appelé à rectifier le tir.
Alimentant les questions sur son autorité en lambeaux, Liz Truss a envoyé la ministre Penny Mordaunt, chargée des relations avec le Parlement, répondre à l'opposition à la chambre des Communes.
La première ministre "se cache sans courage sous son bureau", a torpillé la députée travailliste Stella Creasy.
La dirigeante "humiliée ne peut tout simplement pas rester à son poste", a insisté Angela Eagle, du même bord politique.
Mme Truss est ensuite apparue à Westminster aux côtés du chancelier de l'Echiquier mais est restée silencieuse, le regard vide, pendant que ce dernier affrontait une opposition remontée.
Avec seulement 40 jours au pouvoir, elle risque de devenir le Premier ministre ayant eu le plus court mandat jamais connu outre-Manche.
"C'est une crise créée par les Conservateurs à Downing Street mais les gens ordinaires en paient le prix" a fustigé Rachel Reeves, responsable des questions financières au "Labour".
Elle a demandé pourquoi le gouvernement ne taxait pas les producteurs d'énergie pour aider à financer des aides budgétaires et disant craindre le retour de "la saison 2 de l'austérité" après les coupes radicales des années 2010.
Le patron de Shell Ben van Beurden avait lui-même suggéré il y a dix jours que les gouvernements taxent plus les compagnies énergétiques face à l'envolée de leurs profits en pleine crise des coûts de l'énergie.
- Réparer les dégâts -
Signalant dans l'immédiat une détente sur les marchés, la livre bondissait de 2,18% à 1,1419 dollar vers 16H15 GMT. Le rendement des obligations à 30 ans a clôturé à 4,38%, en forte baisse comparé à vendredi mais bien plus élevé qu'avant l'arrivée de Liz Truss au pouvoir.
Parmi les annonces de lundi, "la plus grosse dépense", le plafond des factures énergétiques pour tous les ménages, sera finalement en vigueur jusqu'à avril seulement et non plus pour deux ans. Au-delà, le Trésor va réfléchir à une nouvelle approche "moins chère" tout en protégeant "les plus nécessiteux".
Dans la longue liste de baisses d'impôts qui partent à la poubelle, M. Hunt a énuméré le projet de centres d'achats sans taxes (duty-free) pour les non résidents, l'abaissement du taux d'imposition pour les dividendes.
Une baisse du taux d'impôt sur les revenus des plus aisés avait déjà été abandonnée et une hausse de l'impôt sur les sociétés aura finalement lieu.
L'ensemble de ces mesures fiscales "permettront de lever environ 32 milliards de livres par an", a précisé M Hunt.
Ces annonces "ne suffiront pas pour boucher les trous dans les plans budgétaires du gouvernement" ou pour "réparer les dégâts des dernières semaines", avertit le centre de réflexion IFS.
(Y.Berger--BBZ)