Budget: les "superprofits" de retour dans l'hémicycle
Solution européenne pour la majorité, contre taxation nationale pour la gauche et le RN: déjà brûlant cet été, le débat sur la taxation des bénéfices exceptionnels de certaines entreprises, en pleine crise énergétique, devrait une nouvelle fois animer l'Assemblée nationale.
Sans surprise, les conclusions rendues mardi dernier par une mission "flash" conduite au pas de charge par deux députés, l'un issu de la majorité présidentielle, l'autre de l'alliance de gauche Nupes, n'ont pas fait bouger les lignes.
David Amiel (Renaissance) et Manuel Bompard (LFI) ont certes réussi à dépasser les querelles sémantiques autour du terme de "superprofits", cher à la gauche, mais dont le ministre de l'Economie Bruno Le Maire estime qu'il n'a "pas de sens".
Les deux co-rapporteurs se sont ainsi accordés sur le constat de "profits exceptionnels" réalisés par les grandes entreprises pétrolières, gazières et du transport maritime, à la faveur de l'explosion des prix de l'énergie.
Cette crise "génère des rentes de pénurie", avec "des hausses de prix spectaculaires décorrélées des coûts de production", a dit le macroniste David Amiel devant la commission des Finances de l'Assemblée.
"L'existence de profits exceptionnels est caractérisée", a renchéri l'Insoumis Manuel Bompard, citant "Total dont le profit a été multiplié par deux sur le premier semestre" ou Engie qui a eu "l'équivalent au premier semestre de son profit sur l'année d'avant".
Mais une fois posés ces constats, les divergences sont restées intactes sur la manière de mettre à contribution les "gagnants" de la crise.
- demande parallèle de référendum -
La majorité présidentielle, après des fissures apparues en son sein sur la question, semble s'être rangée derrière la position du gouvernement, pour qui la solution a été trouvée: il s'agit de l'accord conclu le 30 septembre entre Etats membres de l'Union européenne.
Il prévoit un plafonnement des revenus des producteurs d'électricité issue du nucléaire et des renouvelables, qui ont décollé du seul fait du lien entre le prix de l'électricité et celui du gaz et du charbon. Les pays européens pourront collecter les recettes au-dessus de ce plafond pour soutenir les consommateurs.
Un autre volet de l'accord prévoit "une contribution" des producteurs et distributeurs de gaz, charbon et pétrole, fixée à 33% des bénéfices supérieurs de plus de 20% à la moyenne des années 2019-2021.
Pour David Amiel, se placer au niveau de l'UE permet "d'éviter les effets négatifs sur notre attractivité" et "d'élargir l'assiette en mettant à contribution les grandes entreprises du secteur pétrolier et gazier sur l'ensemble de leurs activités en Europe".
"Nous aurons une transposition de ces mesures" en France, a assuré le rapporteur général du budget Jean-René Cazeneuve (Renaissance), estimant qu'il était inutile d'aller plus loin.
Mais pas question pour la gauche de se contenter de ces mesures limitées à 2023 et concentrées sur les énergéticiens.
"On ne peut pas avoir d'un côté des Français à l'euro près pour remplir leurs cuves de fioul (...) et de l'autre côté avoir des milliards et des milliards", a insisté la députée socialiste Christine Pires Beaune.
Et l'accord européen n'empêche pas les Etats membres "d'adopter des mesures nationales complémentaires", a fait valoir M. Bompard.
La Nupes (LFI, PS, PCF et EELV), qui demande un référendum sur la question, veut une taxation de 20% à 33% jusqu'à fin 2025 de toutes les entreprises au chiffre d'affaires de plus de 750 millions d'euros et ayant réalisé des bénéfices supérieurs de plus de 25% à la moyenne de ceux réalisés entre 2017 et 2019.
L'accord européen, "c'est un système de spoliation des Français pour financer les erreurs des Allemands", s'est agacé de son côté le député RN Jean-Philippe Tanguy.
Le parti d'extrême droite bataillera lui aussi pour la mise en place d'une taxe nationale, avec notamment un amendement visant les "surprofits" des sociétés pétrolières et gazières, de transport maritime et les concessionnaires d'autoroutes.
(P.Werner--BBZ)