Grèves: TotalEnergies propose d'avancer les négociations salariales pour apaiser les tensions
Automobilistes à cran, pressions politiques: TotalEnergies a proposé dimanche d'avancer à octobre ses négociations annuelles sur les salaires, répondant à la main tendue la veille par la CGT, à condition que les blocages prennent fin dans les raffineries et dépôts de carburants.
Ces négociations qui devaient avoir lieu en novembre "permettront de définir comment les salariés pourront bénéficier, avant la fin de l'année, des résultats exceptionnels générés par TotalEnergies, tout en prenant aussi en compte l'inflation de l'année 2022", assure le groupe, qui gère près du tiers des stations-service en France.
Depuis le début du mouvement il y a une dizaine de jours, la CGT réclame 10% d'augmentation sur les salaires - 7% pour l'inflation, 3% pour le partage de la richesse - le géant de l'énergie ayant engrangé 10,6 milliards de dollars de bénéfice au premier semestre 2022.
"Nous allons étudier de près les propositions et nous réunir demain matin avec les différents sites pour décider de la suite du mouvement", a réagi auprès de l'AFP Eric Sellini, coordinateur CGT chez TotalEnergies, regrettant que la direction n'ait pas eu d'échange direct avec le syndicat.
La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, s'est félicitée de l'annonce de TotalEnergies, estimant que le conflit devait "cesser".
La pression des responsables gouvernementaux s'était accrue ces derniers jours sur le groupe et les grévistes pour qu'ils négocient.
Nul ne pouvait prédire toutefois dimanche soir comment la situation allait évoluer lundi.
"Je tiens à réaffirmer l'appel très ferme du gouvernement aux dirigeants et aux organisations syndicales de TotalEnergies et d'Esso: une issue doit être trouvée sans délai dans le cadre du dialogue social (...) Les Français ne doivent pas subir davantage les conséquences d’un mouvement social", a affirmé Mme Pannier-Runacher.
Interrogée sur BFMTV, elle a indiqué attendre aussi des mesures de la direction d'Esso-ExxonMobil, dont les deux sites sont bloqués en Seine-Maritime et dans les Bouches-du-Rhône.
- Faire le plein en Belgique -
Agnès Pannier-Runacher a exhorté "tous nos concitoyens à ne pas faire de stock", certaines stations-services étant prises d'assaut avec 30% à 35% de consommation supplémentaire.
Dimanche, nombre d'entre elles faisaient toujours face à des ruptures. "Je suis chauffeur de taxi, ça fait deux jours que je ne peux plus travailler", déplorait Thierry, 60 ans, qui commençait à s'impatienter après trois heures à attendre une livraison à la station Esso du boulevard de la Villette, à Paris.
A 15h dimanche, 29,7% des stations-service en France connaissaient des difficultés sur un produit au moins (contre 21% samedi), a indiqué le ministère de la Transition énergétique.
La situation s'est encore corsée dans les Hauts-de-France, où 54,8% des stations rencontraient des difficultés, et en Ile-de-France, où 44,9% des stations étaient en rupture sur au moins un produit.
En visite en Algérie, la Première ministre Elisabeth Borne a assuré que la situation allait "s'améliorer tout au long de la semaine", à mesure de l'arrivée de livraisons issues notamment des "stocks stratégiques" français.
Le gouvernement, qui a en effet puisé dans les réserves stratégiques du pays et augmenté les importations de carburant pour faire face à la crise, a rappelé que des camions citernes avaient été autorisés à circuler tout le week-end.
"Ces mesures ont permis une hausse des livraisons de l'ordre de 20% par rapport aux flux habituels", a souligné Agnès Pannier-Runacher, précisant que le gouvernement comptait "sur une amélioration sensible" de la situation lundi, notamment dans les Hauts-de-France.
- Raffineries à l'arrêt -
Autre conséquence du mouvement: de nombreux Français passent la frontière belge pour s'approvisionner, les stations-service transfrontalières enregistrant 15 à 20% de hausse de la demande, selon la fédération des négociants en combustibles et carburants.
Samedi, la CGT de TotalEnergies avait fait un premier pas pour négocier: dans une lettre ouverte au PDG Patrick Pouyanné, elle acceptait de mettre de côté ses revendications en matière d'embauches et d'investissements pour ouvrir des négociations uniquement portées sur les salaires dès lundi.
La direction a souligné dimanche qu'avant d'accepter de négocier en octobre, elle avait déjà avancé à novembre les négociations annuelles obligatoires (NAO) sans "attendre janvier 2023 comme c'est habituellement le cas".
La plus grande raffinerie du groupe, basée en Normandie, la "bio-raffinerie" de La Mède (Bouches-du-Rhône) et le dépôt de carburants de Flandres près de Dunkerque (Nord) étaient "toujours totalement à l'arrêt" dimanche selon la CGT. Si la raffinerie de Feyzin (Rhône) est aussi à l'arrêt, c'est en raison d'un accident technique, fait valoir TotalEnergies.
Du côté d'Esso-ExxonMobil, la CGT réclame des revalorisations salariales plus conséquentes que les "5,5% de hausse en moyenne avec une prime de 3.000 euros pour 2023" proposés par la direction, indique l'élu CGT Christophe Aubert.
Pas de quoi "couvrir l'inflation galopante, qui plus est dans un contexte de superprofits", a-t-il estimé.
(H.Schneide--BBZ)