TotalEnergies: frénésie autour des pompes, alors que la grève se poursuit
Le désarroi des automobilistes était palpable dans de nombreuses stations-service de France jeudi, souvent privées de tout ou partie de leurs carburants en raison d'une grève chez TotalEnergies pour les salaires qui dure depuis dix jours et bloque plusieurs raffineries.
"On a eu notre dernière livraison de camion le 29 septembre. Ca tient à peu près deux jours et c'est fini. On est à sec depuis dimanche", témoigne jeudi le gérant d'une station TotalEnergies d'un quartier populaire de Paris, qui souhaite rester anonyme.
Ses pompes sont entourées d'un ruban de signalisation rouge et blanc pour inciter les automobilistes à poursuivre leur quête un peu plus loin. "Vous avez du diesel ?" s'enquiert un client, passant la tête à travers l'embrasure, avant de repartir sans demander son reste lorsqu'on lui répond par la négative.
"Comme c'est moins cher, tout le monde vient chez nous", explique le gérant, qui fait référence à la remise à la pompe de 20 centimes accordée depuis le 1er septembre par TotalEnergies, en plus de la ristourne de l'Etat.
S'ajoutent désormais à cette rançon de la gloire les conséquences du mouvement de grève à l'appel de la CGT, qui réclame une revalorisation salariale de 10% pour l'année 2022, afin de tenir compte des bénéfices records de l'entreprise et de compenser l'inflation.
"Habituellement, nous sommes livrés tous les deux jours, maintenant c'est tous les trois, quatre jours", a témoigné le gérant de station, qui pour la suite, n'a "pas d'informations".
TotalEnergies, qui gère près d'une station-service de France sur trois, se refuse à donner le nombre de stations à sec, mais sa carte en ligne montre que la plupart de ses 3.500 points de vente manquent d'un ou plusieurs carburants.
Du nord au sud de la France, les automobilistes font la chasse aux stations ouvertes, et quand ils en trouvent, doivent faire longuement la queue pour un plein. Comme Mahé Miredin, 34 ans, près du périphérique de Rennes jeudi matin et dont la jauge était dans le rouge: "C'est la deuxième station que je fais, je suis sortie pas loin et il n'y avait pas de diesel".
Et les problèmes vont continuer.
"Chacun des sites nous a indiqué la reconduction de la grève", a indiqué à l'AFP Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité d'entreprise européen TotalEnergies SE.
La raffinerie de Normandie, à l'arrêt, est toujours en grève, tout comme la "bio-raffinerie" de La Mède (Bouches-du-Rhône), et le dépôt de carburant de Flandres, près de Dunkerque.
"La base de chargement est bloquée" à Grandpuits (Seine-et-Marne), un site en cours de reconversion en "bio-raffinerie", et qui entre occasionnellement dans le mouvement.
"TotalEnergies, pour casser la grève, préfère acheter sur le marché international le gazole, le kérosène et maintenant l'essence, alors que la France était excédentaire en essence, à un prix bien plus fort", a déploré M. Defresne.
- Réorganisation logistique -
A cela s'ajoute une grève qui touche les deux raffineries françaises d'Esso-ExxonMobil, également pour les salaires.
"C'est tendu", confirme Francis Pousse, président des stations-service et énergies nouvelles au sein du syndicat professionnel Mobiliance (entreprises des services de l'automobile).
S'il souligne que depuis le début du mois de septembre, "avant même la perturbation de l'outil industriel, les stations du pétrolier français étaient en tension", il ajoute qu'"une réorganisation de la logistique", nécessaire du fait du conflit, crée "un temps d'approvisionnement en stations beaucoup plus long".
En clair: alors que les raffineries alimentent habituellement les dépôts et en partie les ports, il faut désormais s'approvisionner en partie auprès des ports, explique M. Pousse, qui représente 5.800 stations-service traditionnelles (hors grande distribution).
"On n'est pas en pénurie, puisqu'on a des plans B que sont l'importation de produits", qui a été "renforcée", tempère toutefois M. Pousse, qui évoque par ailleurs les "fameux stocks stratégiques de l'Etat", auxquels le gouvernement a reconnu mercredi avoir eu recours.
"Les carburants vont arriver", a assuré Olivier Gantois, président de l'Ufip Énergies et Mobilités, porte-parole des pétroliers, sur France Info. La situation va selon lui "s'arranger dès aujourd'hui", grâce à des importations supplémentaires.
(T.Renner--BBZ)