Mgr de Moulins-Beaufort: "enraciner une culture de la vigilance" sur la protection des mineurs
Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), entend "enraciner une culture de la vigilance", un an après la publication du rapport choc de la commission Sauvé sur la pédocriminalité dans l'Eglise, et assure à l'AFP que le processus de réparation va vite trouver "une vitesse de croisière".
Question: Un an après, l'Eglise a-t-elle pris la mesure du rapport Sauvé ?
Réponse: "L'idée était d'avoir la vérité sur l'ampleur du phénomène. Nous l'avons eue avec ce que la commission a mis en lumière, à partir d'un sondage: 330.000 personnes qui ont pu être abusées (dans les milieux de l'Eglise depuis 1950, ndlr).
Nous avons pris la mesure de l'ampleur du phénomène dans la société française en général mais aussi dans l'Eglise catholique, dans des proportions que nous n'imaginions pas. Nous avons réalisé que c'était un phénomène non seulement grave, mais qui avait une ampleur nécessitant une action déterminée et tous azimuts.
Nous nous sommes mis au travail, à l'assemblée de la CEF en novembre (en reconnaissant la "responsabilité" de l'institution et créant une Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), ndlr).
Q: Les collectifs de victimes déplorent un traitement très lent des demandes de réparation...
R: Au commencement, il y a forcément un afflux de demandes et donc une forte attente, qui se trouve déçue. Je suis conscient que c'est douloureux.
Le travail à faire est un processus inédit en France, pour lequel il faut trouver des personnes, formées, qui veulent bien s'y investir. Nous l'avons confié à Marie Derain de Vaucresson dont tout le monde souligne la qualité professionnelle et l'engagement.
On peut se consoler en se comparant à la justice de notre pays. Les procédures sont longues, chaque dossier est une personne singulière, qui demande du temps.
Nous avons bon espoir que sans trop tarder, on arrive à une vitesse de croisière qui permettra de traiter les dossiers de manière plus digne.
Q: Y aura-t-il un nouvel appel, auprès du clergé, à contribuer financièrement au fonds Selam (qui sert à indemniser les victimes)?
R: Je n'en sais rien, mais nous sommes engagés dans ce processus sans limitation de coût (...). On est dans l'idée qu'il faudra sans doute un jour faire un deuxième tour.
Q: La rencontre prévue entre vous, la commission et le pape François n'a pas eu lieu, pourquoi ?
R: A chaque fois que je l'ai rencontré - et encore en avril - François s'est toujours dit ouvert à cette rencontre, mais au moment qu'il jugera opportun.
Je trouvais intéressant de faire entendre que ce travail mené pour l'Eglise de France pouvait être utile à d'autres.
A l'échelle internationale, la séquence du 5 octobre (2021, jour de la publication du rapport, ndlr) a été assez suivie et pas forcément bien comprise. Le chiffre donné a paru hors de proportion avec ce que l'on connaît ailleurs. Ca a été un choc pour tout le monde.
Le travail de la Ciase finira par être reconnu, mais il faut un peu de temps. Ce que nous mettons en place pour l'Eglise de France sera de nature à éclairer d'autres pays, notamment ceux qui ne sont pas encore forcément prêts à entrer dans ce travail.
Q: Pouvez-vous dire que l'Eglise est une "maison sûre" aujourd'hui ?
R: J'espère, parce que le choc a été tellement fort que tout le monde est désireux de travailler dans ce sens là. Notre engagement est d'enraciner une culture de la vigilance à tous les niveaux, dans le temps moyen et long.
Je peux attester que tous les évêques sont bien décidés à ne pas tolérer, à ne pas protéger les (éventuels, ndlr) prêtres (prédateurs, ndlr).
L'Eglise est une maison sûre, aussi sûre qu'il est possible".
(T.Renner--BBZ)