Porsche déboule en Bourse et défie la morosité des marchés
Le constructeur allemand de bolides de luxe Porsche a effectué jeudi un parcours en zigzag lors de son premier jour de cotation à la Bourse de Francfort, pour l'une des plus grosses opérations de la place financière malgré un contexte économique morose.
Lors de sa première cotation l'action a affiché 84 euros, au-dessus du prix d'introduction fixé à 82,50 soit une valorisation XXL à plus de 76 milliards d'euros.
Le cours a grimpé jusqu'à 86,8 euros en cours de séance pour terminer à 82,48 euros.
"Un grand rêve se réalise pour Porsche", a déclaré Oliver Blume, patron de Porsche et de Volkswagen, maison mère du groupe de voitures de sport, avant d'agiter frénétiquement la cloche marquant le début du négoce du titre au code prédestiné "P911".
Devant la Bourse, une rangée de bolides étaient garés dont la mythique 917 numéro 22 qui a triomphé au 24 Heures du Mans en 1971 : "Porsche, l'un des constructeurs de voitures de sport les plus performants au monde, entre dans une nouvelle ère avec une flexibilité entrepreneuriale accrue", a ajouté le PDG.
Le volume d'émission en fait la deuxième plus grosse introduction en Bourse en Allemagne après celle de Deutsche Telekom en 1996 et la plus importante en Europe depuis 2011 avec le géant suisse des matières premières Glencore.
Une accession de Porsche au sein du Dax40, regroupant la crème des valeurs allemandes, devrait être acquise dès la prochaine révision de l'indice, selon plusieurs sources à l'AFP.
Volkswagen, deuxième constructeur mondial, n'a placé que 12,5% du capital de sa pépite en Bourse mais cette introduction va lui rapporter quelque 9,4 milliards d'euros pour financer la transition vers la voiture électrique et autonome.
– Luxe porteur –
Porsche affiche sur la ligne de départ une capitalisation supérieure à d'autres géants allemands tels que BMW (47 milliards d'euros) et Mercedes-Benz (58 milliards d'euros), qui vendent bien plus de voitures que la firme de Zuffenhausen, près de Stuttgart (sud).
L'opération est d'autant plus exceptionnelle que les introductions en Bourse ont fortement reculé au troisième trimestre dans le monde, de 56% en volume, sur fond d'inflation, de hausse des taux et de guerre russe en Ukraine, note les analystes de EY.
Et en termes de capitalisation boursière, Porsche est même "la plus grande entreprise à entrer en bourse en Europe ce siècle", souligne le cabinet.
Volkswagen s'est assuré le soutien d'actionnaires de référence chez Porsche, comme les fonds d'investissement publics du Qatar et d'Abu Dhabi, le fonds souverain norvégien et le gestionnaire d'actifs américain T. Rowe Price.
Pour les appâter, Porsche a relevé son objectif de marge opérationnelle dans une fourchette entre 17 et 18% et le chiffre d'affaires doit croître de 11 à 14% par rapport à 2021, surfant sur l'excellente forme du secteur des voitures de luxe.
Face à une clientèle aisée plus sensible à l'environnement, la marque convertit sa gamme à l'électrique : après la sportive Taycan née en 2019 et dont il a écoulé près de 20.000 exemplaires de janvier à juin, un nouveau SUV Macan électrique est attendu en 2024 avant le lancement d'un autre SUV au milieu de la décennie.
– Influence du clan Porsche et Piëch –
Porsche appartenait avant l'IPO à 100% au groupe Volkswagen, lui-même contrôlé par la holding Porsche SE, trésor des familles Porsche et Piëch qui vont renforcer leur assise à travers cette introduction en Bourse.
Les investisseurs n'ont pu acquérir que des actions "préférentielles" – sans droit de vote – , tandis que Volkswagen cède 25% du capital plus une action à Porsche SE, qui disposera d'une minorité de blocage chez le constructeur de voitures de sport.
Cette opération a suscité des critiques sur la structure de gouvernance du groupe.
Mais, "le succès du placement d'aujourd'hui montre que l'émission d'actions sans droits de vote n'a pas été un problème pour les actionnaires de Porsche", a déclaré à l'AFP Arno Antlitz, directeur financier de Volkswagen.
Le constructeur aux douze marques va encaisser au total une manne d'environ 19 milliards d'euros, dont la moitié servira à financer des usines de cellules de batteries et des logiciels embarqués.
L'ensemble "renforcera Volkswagen et nos actionnaires également", est convaincu M. Antlitz, alors que le groupe de Wolfsburg, avec 84 milliards d'euros de capitalisation boursière, ne pèse qu'une fraction de son rival américain Tesla, valorisé environ 900 milliards de dollars.
(K.Lüdke--BBZ)