En s'électrifiant, Ford redonne du lustre à une usine historique
Les engins de construction s'activent à nouveau sur le site historique du vénérable constructeur automobile américain Ford à Dearborn, dans le nord des Etats-Unis, mais cette fois pour faire de la place à un futur sans pétrole.
L'usine est surtout, pour l'instant, le lieu de fabrication du F-150, un pick-up au moteur à essence vrombissant. Les chaînes en produisent un toutes les 53 secondes.
Mais en septembre 2020, Ford a engagé, non loin, la construction d'une usine un peu plus petite, pour y fabriquer la version électrique du F-150, le Lightning.
Sur les routes depuis le printemps, le Lightning fait partie de la gamme grandissante de véhicules électriques proposés aux Etats-Unis, aussi bien par les constructeurs traditionnels comme Ford que par Tesla ou Rivian.
Au salon de l'automobile de Detroit la semaine dernière, le président américain Joe Biden l'a affirmé: "Le grand road trip américain va devenir complètement électrique".
Face à l'afflux de réservations pour le Lightning, qui a cumulé environ 200.000 commandes depuis mai 2021, Ford a quadruplé son objectif de production initiale.
Le groupe finira-t-il par vendre plus de F-150 Litghning qu'à moteur thermique? C'est la question à l'esprit de tous les grands groupes automobiles, qui investissent des milliards de dollars dans les véhicules électriques tout en continuant à produire des millions de véhicules traditionnels chaque année.
"Le secteur change tellement vite, personne ne peut vraiment prédire ce qui va se passer", explique Chris Skaggs, en charge de l'expansion de l'usine du F-150.
"Mais on s'adapte et on va chercher les bonnes ressources pour construire les batteries et monter en puissance afin de répondre à la demande, quelle qu'elle soit", souligne le responsable.
- Avions de combat et Mustang -
"Cela fait 29 ans que je suis dans le métier et je pensais que je serais à la retraite bien avant qu'on arrive là où on est actuellement", relève aussi M. Skaggs.
Le Lightning marque la dernière transformation en date du complexe de Dearborn, où est aussi installé le siège de Ford.
Il a été construit entre 1917 et 1928 et abritait à l'origine aussi bien la fabrication des pneus que celles des moteurs.
A son pic dans les années 1930, plus de 100.000 salariés y travaillaient. Pendant la Seconde Guerre mondiale, on y construisait des avions de combat. Puis y furent assemblés quelques véhicules emblématiques de Ford, comme la Thunderbird ou la Mustang.
L'usine, longtemps symbole des chaînes de production qui ont révolutionné l'industrie, a un temps perdu de sa superbe, plombée par les restructurations et les sols pollués.
Mais William Clay Ford Jr, l'arrière-petit-fils du fondateur Henry Ford, a insisté pour que le site soit revitalisé et a engagé, peu après son arrivée au poste de président du conseil d'administration en 1999, une rénovation à 2 milliards de dollars.
L'usine de pick-up a ouvert en 2004.
- Flexibilité, au cas où -
Le succès du F-150, le véhicule le plus vendu aux Etats-Unis depuis 40 ans, ne s'est jamais démenti.
L'usine fonctionne 24 heures sur 24, avec 4.500 employés aux trois-huit.
Les plus grosses pièces du pick-up sont découpées dans des bobines d'aluminium avant d'être peintes puis assemblées.
L'engin circule ensuite à travers des centaines de stations de travail où sont installés les moteurs, les câbles et autres composants avant que soit vérifié l'alignement des roues et des phares et que des ordinateurs confirment que tous les éléments sont fixés en toute sécurité.
Le tout en quelques heures.
Dans l'usine fabriquant la version électrique, l'ambiance est moins survoltée, en partie en raison des efforts effectués sur l'ergonomie.
L'assemblage des pick-up suit toujours une chaîne de production mais s'arrête à moins de stations.
L'expansion en cours permettra de doubler la surface de l'usine et d'y ajouter plus de travailleurs -- ils sont 500 actuellement -- afin de parvenir à produire 150.000 véhicules par an d'ici un an, affirme M. Skaggs.
Mais tout est prévu pour être "flexible" afin que le site puisse être utilisé aussi bien pour des F-150 à moteurs thermiques qu'électriques.
"Si on s'est trompé, on pourra construire plus d'appareils avec des moteurs à combustion", explique le responsable. "Si les véhicules à batteries électriques décollent vraiment, comme on le prévoit, on pourra encore monter en puissance".
(T.Renner--BBZ)