La Banque d'Angleterre monte son taux et estime l'économie déjà en récession
La Banque d'Angleterre a annoncé jeudi une hausse marquée de son taux directeur pour tenter de juguler l'inflation, moins brusque toutefois que celle adoptée la veille par la Réserve fédérale américaine (Fed), alors que l'économie britannique devrait entrer en récession dès le troisième trimestre.
Le comité de politique monétaire (MPC) était partagé: sur neuf membres, "cinq ont voté pour une hausse de 0,50 point" à 2,25%, explique la BoE dans un communiqué, estimant en outre que l'inflation britannique va connaître un pic en octobre d'un peu moins de 11% sur un an, contre 13% prévus jusqu'à présent.
Si la BoE a débuté son cycle de relèvements de taux dès décembre 2021, plus tôt que la plupart des autres grandes banques centrales, pour s'éloigner de son plancher historique de 0,1%, elle agit en septembre moins fort que la Banque centrale européenne (BCE) et la Fed, qui ont annoncé des resserrements de 0,75 point.
La division du MPC au Royaume-Uni reflète les hésitations des banquiers centraux à travers le monde: ils peinent à lutter contre l'inflation, provoquée notamment par la flambée des cours de l'énergie depuis le début de la guerre en Ukraine, mais risquent de plomber l'activité économique mondiale, déjà à la peine, en rendant l'emprunt plus coûteux.
Dans les dernières 24 heures, outre la Fed, la Banque centrale suisse a relevé ses taux de 0,75 point, tandis que la Banque de Norvège s'est contentée comme la BoE d'une hausse de 0,5 point.
L'institution monétaire japonaise a quant à elle maintenu sa politique monétaire ultra-souple, même si le gouvernement a annoncé intervenir sur le marché des changes pour soutenir le yen.
- Incertitude politique -
Au Royaume-Uni, l'incertitude est élevée en raison des annonces budgétaires attendues vendredi du nouveau gouvernement de la Première ministre conservatrice Liz Truss.
La BoE prévient qu'il lui faudra après la présentation du "mini-budget" vendredi étudier les mesures annoncées en détail pour décider de ses prochaines actions sur les taux.
La mesure phare est pour l'instant le gel des factures d'électricité pour deux ans pour les particuliers, et une prise en charge pour environ la moitié du coût énergétique pour les entreprises.
Ce qui a amené la Banque d'Angleterre a réduire sa prévision d'inflation.
Celle-ci devrait toutefois se maintenir au dessus de 10% pour plusieurs mois avant de reculer, prévoit la BoE.
- Récession britannique -
Les membres du MPC qui auraient voulu voir la BoE emboîter le pas de la Fed et de la Banque nationale suisse avec un relèvement de 0,75 point admettent que le plafond sur le prix de l'énergie va tempérer à court terme l'inflation et aider les ménages.
Ils craignent cependant qu'il stimule les dépenses des consommateurs et donc la hausse des prix à plus long terme.
"Monter les taux plus vite maintenant aiderait à ramener l'inflation vers son objectif à moyen terme, et réduirait le risque d'un cycle plus long et plus coûteux" de relèvements, défendent-ils selon les minutes publiées jeudi de leur réunion de la veille.
Des économistes tels que Ian Stewart, analyste chez Deloitte, pensent en effet que la banque centrale britannique est loin d'en avoir fini avec ses tours de vis monétaires.
"Nous nous attendons à ce que les taux doublent encore avant le milieu de l'année prochaine, ce qui va contraindre les prêts et peser sur une économie qui courbe déjà l'échine", résume Ian Stewart, analyste chez Deloitte.
Et l'activité économique britannique peine déjà, alors que la BoE laisse entendre que le Royaume-Uni est déjà entré en récession: "le personnel de la Banque s'attend désormais à une contraction de 0,1% du PIB au troisième trimestre, un second trimestre consécutif de baisse". Soit la définition généralement admise d'une récession.
En remontant ses taux alors que le gouvernement tente de relancer l'économie, la BoE pourrait par ailleurs aggraver son différend avec l'exécutif.
Durant sa campagne pour la succession de Boris Johnson, Mme Truss a critiqué la BoE, lui reprochant de ne pas avoir agi assez vite et promettant de revoir son statut.
La livre prenait 0,52% à 1,1330 dollar vers 12H40 GMT (14H40 à Paris) mais peinait à s'éloigner de son plus bas depuis 1985 touché en début de séance, à 1,1212 dollar, dans le sillage de la décision de la Fed.
(U.Gruber--BBZ)