A l'ONU, la Russie se défend face au feu des critiques
La Russie, violemment critiquée après avoir annoncé la mobilisation de centaines de milliers de réservistes pour renforcer ses troupes en Ukraine et brandi la menace d'un recours à l'arme nucléaire, devrait se défendre jeudi lors d'une réunion ministérielle du Conseil de sécurité de l'ONU.
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, qui mène la délégation de l'ONU à New York en l'absence du président Vladimir Poutine, devrait être présent pour répondre aux flots de critiques.
Cette réunion des ministres des Affaires étrangères devrait évoquer "l'impunité des crimes" commis en Ukraine, a expliqué la cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna, qui la présidera. Le procureur de la Cour pénale internationale doit aussi s'exprimer.
Mercredi, le camp occidental a redoublé d'attaques contre Moscou après l'annonce par Vladimir Poutine d'une mobilisation partielle, qui devrait concerner 300.000 réservistes, afin de relancer l'offensive en Ukraine, commencée le 24 février.
Dans une adresse à la nation, le président russe s'était dit prêt à utiliser "tous les moyens" dans son arsenal face à l'Occident qu'il a accusé de vouloir "détruire" la Russie. "Ce n'est pas du bluff", a-t-il assuré.
- Manifestations en Russie -
A travers la Russie, l'annonce de cette mobilisation a été accueillie par des manifestations improvisées et au moins 1.332 personnes ont été arrêtées mercredi.
Il s'agit des plus importantes protestations dans le pays depuis celles ayant suivi l'annonce de l'offensive en Ukraine.
"Tout le monde a peur. Je suis pour la paix et je ne veux pas avoir à tirer. Mais c'est très dangereux de sortir maintenant, sinon il y aurait eu beaucoup plus de gens", a expliqué un manifestant à Saint-Pétersbourg, Vassili Fedorov, un étudiant qui arborait un emblème pacifiste sur sa poitrine.
Signe de l'inquiétude de nombreux Russes, les sites des compagnies aériennes ont été pris d'assaut après l'allocution de M. Poutine.
"Cette guerre anéantit le droit de l'Ukraine à exister, tout simplement", a lancé le président américain Joe Biden à la tribune de l'ONU.
La Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, "a violé de manière éhontée les principes de la Charte des Nations unies" en s'emparant de parties du territoire de son voisin, a-t-il fustigé.
La mobilisation russe a été décrite en Europe comme un "aveu de faiblesse" de Moscou, dont l'armée a essuyé ces dernières semaines des revers face à des contre-offensives ukrainiennes dans les régions de Kharkiv (nord-est) et Kherson (sud).
"Un crime a été commis contre l'Ukraine et nous réclamons un juste châtiment", a martelé de son côté le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans un message vidéo diffusé mercredi lors de l'Assemblée générale de l'ONU.
- Echange de prisonniers -
Ce même jour, Kiev avait annoncé le plus important échange de prisonniers avec Moscou depuis le début du conflit, pour un total de 215 prisonniers militaires ukrainiens, dont des chefs de la défense de l'aciérie d'Azovstal à Marioupol (sud-est), symbole de la résistance à l'offensive russe.
La Russie avait récupéré de son côté 55 prisonniers. Parmi eux figurait, selon Kiev, l'ex-député ukrainien Viktor Medvedtchouk, un proche de Vladimir Poutine, accusé de haute trahison en Ukraine.
Ces 55 militaires russes sont de retour en Russie, a annoncé jeudi le ministère russe de la Défense, sans toutefois faire mention de Viktor Medvedtchouk.
Jeudi, l'armée russe a par ailleurs une nouvelle fois accusé Kiev de "continuer ses provocations" afin de "créer une menace de catastrophe (...) à la centrale nucléaire de Zaporijjia", la plus grande d'Europe, dans le sud de l'Ukraine, occupée par les troupes russes depuis les premières semaines de l'invasion.
"Mercredi, 13 obus ont été tirés par l'artillerie ukrainienne sur la ville d'Energodar (où se trouve la centrale) et le territoire adjacent à la centrale nucléaire de Zaporijjia", a affirmé le ministère russe de la Défense.
Selon cette même source, "la situation radiologique" sur le site est toutefois "normale".
La centrale de Zaporijjia a été visée à de nombreuses reprises par des bombardements ces derniers mois. Kiev et Moscou s'en rejettent la responsabilité et s'accusent mutuellement de chantage nucléaire.
Sur le terrain, la mobilisation annoncée pourrait annoncer un redoublement de violences à l'aube du huitième mois de conflit.
Avant même cette mobilisation partielle, l'annonce mardi de "référendums" d'annexion dans les régions contrôlées par Moscou en Ukraine, du 23 au 27 septembre, avait signalé un durcissement.
La doctrine militaire russe prévoit en effet la possibilité de recourir à des frappes nucléaires si des territoires considérés comme russes par Moscou sont attaqués, ce qui pourrait être le cas avec les zones annexées.
Ces scrutins, qualifiés de "simulacres" sans valeur juridique par Kiev et ses alliés occidentaux, se dérouleront dans les régions de Donetsk et de Lougansk, qui forment le bassin minier du Donbass, dans l'est de Ukraine, ainsi que dans les zones occupées de Kherson et de Zaporijjia, dans le sud.
(K.Müller--BBZ)