Collision mortelle de Millas: la conductrice nie avoir forcé la barrière du passage à niveau
"Tout était levé, tout était éteint, il n'y avait pas de signal sonore" au passage à niveau: en larmes, la conductrice du car scolaire percuté par un train à Millas (Pyrénées-Orientales) s'est défendue lundi, au début de son procès, d'avoir commis une imprudence.
Six collégiens qui rentraient chez eux à bord du car ont trouvé la mort le 14 décembre 2017 et 17 ont été blessés dont huit très grièvement.
Seule prévenue, la conductrice du car scolaire, Nadine Oliveira, 53 ans, est restée la majeure partie du temps prostrée, tête baissée, une boîte de mouchoirs à sa disposition.
"Je revois bien la scène, tout était levé, tout était éteint, il n'y avait pas de signal sonore, j'ai engagé le bus", a décrit la prévenue, tailleur noir et lunettes de vue relevées sur sa chevelure auburn, fondant en larmes alors que la présidente l'interroge sur les circonstances du franchissement du passage à niveau.
"Après je reprends de la vitesse, je me réveille par terre avec plein de cris. Il y avait un enfant sur ma droite par terre", a-t-elle ajouté, dos à la salle, avant de retourner s'asseoir aux côtés d'Ouchi, un labrador noir qui doit l'aider durant tout le procès à libérer sa parole et à gérer ses émotions.
Se décrivant comme une conductrice "prudente et consciencieuse" qui étudiait ses parcours en amont, Nadine Oliveira empruntait ce trajet six fois par jour depuis septembre 2017 mais sans jamais avoir été confrontée au passage d'un train.
Une fois engagée sur le passage à niveau, "vous souvenez-vous d'avoir vu le train, qui était rouge, arriver ?", lui demande encore la présidente du tribunal, Céline Ballerini. "Non", répond Mme Oliveira, qui encourt cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.
Sur les bancs de la grande salle du tribunal de Marseille, qui dispose d'un pôle spécialisé sur les accidents collectifs, des dizaines de parents et proches d'enfants morts ou blessés dans la collision ont pris place en quête de réponses.
"C'est primordial, important et vital pour nous et pour tout le monde" d'être présents, a témoigné avant l'audience Stéphan Mathieu, père d'une adolescente décédée dans l'accident.
"Nous devons affronter le regard de la conductrice, qu'elle se justifie sur ce qui s'est passé ou pas afin de connaître la vérité", a-t-il ajouté, précisant que le plus important pour lui était "qu'elle nous demande pardon et qu'elle s'excuse".
"Qu'elle soit condamnée ou non, ce n'est pas le problème", a poursuivi M. Mathieu.
Au coeur des débats, la question de savoir si la conductrice a forcé ou pas la barrière du passage à niveau en ramenant vers la commune de Saint-Feliù-d'Avall un groupe de 23 adolescents.
Le car "faisait sa manoeuvre et il ne s'est pas arrêté. La barrière, elle a été poussée tranquillement, comme si on la poussait à la main", a témoigné à la barre le passager d'un véhicule qui était arrêté de l'autre côté du passage à niveau, dont les barrières étaient bien baissées, affirme-t-il.
- "Aucun avenir" -
Les expertises techniques menées durant l'instruction concluent que la conductrice, qui avait l'habitude de ce trajet, a forcé "la demi-barrière fermée dudit passage à niveau alors qu'un train express régional arrivait".
Pour les enquêteurs, "l'hypothèse la plus probable, sur le plan technique" est bien "celle d'un passage à niveau fermé au moment de l'accident", même si les témoignages attestant de l'inverse, dont ceux de certains enfants, "sont majoritaires".
La conductrice a, elle, toujours nié que la barrière était fermée.
"Vous pouvez bien imaginer dans quelle situation psychologique elle est. Elle est effondrée. C'est une femme qui n’a aucun avenir", a souligné l'un de ses avocats, Me Jean Codognès.
"Mais elle l'attendait ce procès, ça lui fera aussi du bien", a-t-il ajouté.
Pour nombre des plus de 120 parties civiles, l'audience doit également faire réfléchir sur la sécurité des passages à niveau et des transports scolaires.
"Avant mon drame, je ne réfléchissais pas à tout ça", à savoir la situation du collège entre deux passages à niveau, la présence d'une seule conductrice dans un car scolaire pour 23 enfants, la plupart pas attachés, témoigne auprès de l'AFP Fabien Bourgeonnier, père de Loïc, décédé à 11 ans dans l'accident.
Lundi, au début de l'audience, la SNCF, SNCF Réseau et SNCF Voyageurs se sont également constitués parties civiles.
Le procès, qui a lieu jusqu'au 7 octobre, est également rediffusé dans une salle spéciale à Perpignan. Le jugement devrait être rendu avant Noël.
(G.Gruner--BBZ)