Attendu ou redouté, le procès de la collision mortelle de Millas s'est ouvert à Marseille
"Cela va faire cinq ans que vous attendez ou redoutez ce moment, il est arrivé", lance la présidente. Le procès de la collision entre un car scolaire et un train à Millas (Pyrénées-orientales), qui a tué six enfants, s'est ouvert lundi à Marseille.
Seule prévenue dans le box, la conductrice du car scolaire, Nadine Oliveira, 53 ans, est arrivée en tailleur noir. Toute la matinée, elle a caressé un labrador noir, Ouchi, qui, assis à ses côtés, l'assistera durant le procès pour l'aider à libérer sa parole et à gérer ses émotions. Elle encourt cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.
Sur les bancs de la grande salle du tribunal de Marseille, qui dispose d'un pôle spécialisé sur les accidents collectifs, des dizaines de parents d'enfants morts ou blessés dans la collision ont pris place en quête de réponses.
"C'est primordial, important et vital pour nous et pour tout le monde" d'être présents, a témoigné avant l'audience Stéphan Mathieu, père d'une adolescente décédée dans l'accident.
"Nous devons affronter le regard de la conductrice, qu'elle se justifie sur ce qui s'est passé ou pas afin de connaître la vérité", a-t-il ajouté, précisant que le plus important pour lui était "qu'elle nous demande pardon et qu'elle s'excuse".
"Qu'elle soit condamnée ou non, ce n'est pas le problème", a poursuivi M. Mathieu.
Au coeur des débats, la question de savoir si la conductrice a forcé ou pas la barrière du passage à niveau en ramenant chez eux, en car, depuis le collège, un groupe de 23 adolescents.
- "Apporter des réponses" -
"Il faut savoir si cette barrière était vraiment ouverte ou vraiment fermée, c’est ce qu’on veut savoir. On espère que ce procès va apporter des réponses", poursuit M. Mathieu.
Le 14 décembre 2017, peu après 16h00, la violente collision entre l'autocar et un train express régional (TER) à un passage à niveau avait fait six morts et 17 blessés, dont huit très grièvement. Sous le choc, le car avait été coupé en deux.
Les expertises techniques menées durant l'instruction concluent que la conductrice, qui avait l'habitude de ce trajet, a forcé "la demi-barrière fermée dudit passage à niveau alors qu'un train express régional arrivait".
Pour les enquêteurs, "l'hypothèse la plus probable, sur le plan technique" est bien "celle d'un passage à niveau fermé au moment de l'accident", même si les témoignages attestant de l'inverse, dont ceux de certains enfants, "sont majoritaires".
La conductrice a elle toujours nié avoir forcé la barrière.
C'est une femme profondément marquée qui s'est présentée à l'audience: "Il ne s'est pas passé un jour, une nuit sans qu'elle pense à l'accident à tel point que son psychologue nous dit qu'elle est obsédée par cet accident", a souligné l'un de ses avocats, Me Jean Codognès.
Pour nombre des plus de 120 parties civiles, le procès doit également faire réfléchir sur la sécurité des passages à niveau et des transports scolaires.
"Avant mon drame, je ne réfléchissais pas à tout ça", à savoir la situation du collège entre deux passages à niveau, la présence d'une seule conductrice dans un car scolaire pour 23 enfants, la plupart pas attachés, témoigne Fabien Bourgeonnier, le père de Loïc, décédé à onze ans dans l'accident.
"On peut reprocher plein de choses au car, mais si on faisait des vraies protections au niveau des passages à niveau, empêchant vraiment les véhicules de passer?", poursuit M. Bourgeonnier.
Lundi, au début de l'audience, la SNCF, SNCF Réseau et SNCF Voyageurs se sont également constitués parties civiles.
Le procès a lieu à Marseille qui dispose d'un pôle spécialisé pour enquêter et juger les accidents collectifs dans le Sud-Est de la France. Il est également rediffusé dans une salle spéciale à Perpignan, proche des lieux où a eu lieu l'accident pour que les proches de victimes puissent le suivre plus facilement jusqu'au 7 octobre. Le jugement devrait être rendu avant Noël.
(A.Lehmann--BBZ)