Une grève des aiguilleurs du ciel français perturbe le trafic aérien en Europe
Mille vols annulés, quelques passagers bloqués et davantage de retards que d'habitude : le trafic aérien en Europe a été perturbé vendredi par une grève des aiguilleurs du ciel français.
Ce mouvement social a été lancé par le Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien (SNCTA, majoritaire) pour réclamer des augmentations de salaires face à l'inflation, mais aussi une accélération des recrutements.
La Direction générale de l'aviation civile française (DGAC) avait demandé aux compagnies de renoncer préventivement à la moitié de leur programme de vols vendredi, soit "environ 1.000 vols annulés" au départ ou à l'arrivée du territoire français.
Un service minimum est assuré dans seize aéroports, ainsi que dans les cinq centres qui contrôlent les aéronefs transitant par l'espace aérien français et volant à plus de 6.000 mètres d'altitude, mais plusieurs aéroports ont fermé, comme Montpellier, La Rochelle et Rennes, selon la DGAC.
À Roissy-Charles-de-Gaulle, les panneaux d'affichage du terminal 2E faisaient état de quelques vols annulés sur les dizaines prévus, et des membres du personnel en gilet orange renseignaient les voyageurs affectés.
Le gestionnaire de Roissy et Orly, le Groupe ADP, relevait des retards moyens de 25 minutes au départ ou à l'arrivée, "ce qui est assez peu significatif", selon une porte-parole.
La DGAC avait invité les passagers qui le pouvaient à reporter leur voyage, tandis que les compagnies ont informé individuellement leurs clients dont le vol était annulé, et proposé reports ou remboursements.
Mais cela n'a pas empêché de mauvaises surprises, comme pour ces deux couples d'amis venus de Tours et de Marmande, qui ont vu leur séjour organisé en Jordanie amputé d'une journée.
"On devait prendre l'avion cet après-midi. Mais on a appris hier soir que le vol était décalé à cause de la grève et ne partira éventuellement que demain", explique l'un des voyageurs, Philippe Matheau.
Assise sur une banquette devant des comptoirs vides du terminal 2F, les pieds sur sa valise, Jeanine Bouscarle, arrivée à cinq heures du matin à l'aéroport, va devoir attendre une journée sa correspondance pour Pau.
"À Dubaï, on pensait au soleil mais pas aux grèves en France !" sourit-elle. "On a très bien été pris en charge par Air France, ils nous ont réservé un hôtel pour la journée, nous ont donné des tickets pour manger".
La grève n'assombrit pas son humeur : "Nous sommes retraités, nous avons le temps. C'est pour les gens qui travaillent que ça doit être plus embêtant. On trouve un peu justifié que les gens fassent grève pour protéger leurs acquis."
Cette grève a des répercussions sur l'ensemble du trafic aérien européen. Selon le gestionnaire Eurocontrol, les retards des vols dépassaient 560.000 minutes cumulées à 12h24 (10h24 GMT), contre 148.000 sur l'ensemble de la journée du vendredi 9 septembre, par comparaison.
– Appel à budgéter les recrutements –
Ces retards, de 25 minutes en moyenne par vol, étaient selon l'organisme à 86% imputables à la grève française.
Ryanair, premier transporteur aérien européen, a affirmé que cette grève "injustifiée" allait la contraindre à "annuler 420 vols (soit 80.000 passagers) survolant principalement la France" vendredi, sans nécessairement s'y poser.
Le SNCTA dit avoir décidé du mouvement pour manifester son inquiétude "au sujet du niveau actuel de l'inflation ainsi que des recrutements à venir".
Ces professionnels s'alarment en particulier du départ à la retraite prévu d'un tiers des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) entre 2029 et 2035.
Or, "au moins cinq ans séparent le recrutement de la qualification" et les capacités de formation sont "structurellement limitées". Il faut donc, selon eux, anticiper ce "mur des départs" dès l'année prochaine, et budgéter des formations en ce sens.
Le SNCTA a annoncé le dépôt "d'un deuxième préavis du mercredi 28 septembre au vendredi 30 septembre 2022 inclus".
Les ICNA figurent parmi les fonctionnaires les mieux payés, avec un salaire moyen mensuel net de quelque 5.000 euros, primes comprises, qui peut atteindre 9.000 euros en fin de carrière, selon un rapport du Sénat.
Se conformant aux demandes de la DGAC, Air France a annulé environ 400 de ses 800 vols prévus, soit 55% des court-courriers et moyen-courriers et 10% des long-courriers, des chiffres qui n'ont pas évolué vendredi selon un porte-parole.
(H.Schneide--BBZ)