Kiev prête à exporter de nouveau ses céréales, Moscou réduit ses livraisons de gaz
L'Ukraine a espéré lundi pouvoir reprendre ses exportations de céréales "dès cette semaine", pour la première fois depuis le début de la guerre, tandis que Moscou annonçait une nouvelle coupe drastique des livraisons de gaz à l'Europe.
Le géant gazier russe Gazprom a annoncé lundi qu'il réduirait dès mercredi drastiquement, à 33 millions de mètres cubes quotidiens, les livraisons de gaz russe à l'Europe via le gazoduc Nord Stream, arguant de la nécessité de maintenance d'une turbine.
Le ministère allemand de l'Economie a toutefois affirmé qu'il n'y a "aucune raison technique" de procéder à de nouvelles baisses de livraison. Selon Berlin, il s'agit d'un "prétexte" et d'une décision "politique" pour peser sur les Occidentaux dans le cadre du conflit en Ukraine.
Parallèlement, les exportations de céréales bloquées en Ukraine depuis le début de l'invasion russe le 24 février devraient reprendre "dès cette semaine", a déclaré le ministre ukrainien de l'Infrastructure Oleksandre Koubrakov, dans la foulée d'un accord conclu le 22 juillet à Istanbul entre Kiev et Moscou, sous l'égide de l'ONU.
Selon lui, l'entrave principale à la reprise des exportations est le risque de bombardements russes, comme l'illustre la frappe ayant visé samedi le port d'Odessa sur la mer Noire, vital pour ce commerce.
Les bombardements sur Odessa "visent uniquement l'infrastructure militaire", a affirmé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. "C'est pourquoi cela ne peut ni ne doit gêner le début du processus de chargement", a-t-il ajouté.
- Garantir la sécurité -
Oleksandre Koubrakov a pour sa part appelé les garants de l'accord, la Turquie et l'ONU, à garantir la sécurité des convois ukrainiens. "Si les parties ne garantissent pas la sécurité, cela ne marchera pas", a-t-il prévenu.
Le vice-ministre de l'Infrastructure, Iouri Vaskov, a précisé que le port de Tchornomorsk (sud-ouest) serait le premier à fonctionner pour les exportations, suivi par ceux d'Odessa puis de Pivdenny (sud-ouest).
L'accord signé vendredi prévoit des "couloirs sécurisés" pour la circulation en mer Noire des navires marchands.
Il doit permettre d'exporter 20 à 25 millions de tonnes de céréales bloquées en Ukraine et de faciliter les exportations agricoles russes, réduisant ainsi le risque d'une crise alimentaire dans le monde.
L'exportation de blé, maïs et tournesol d'Ukraine se faisait à 90% par la mer et pour l'essentiel par Odessa, principal port ukrainien en mer Noire, qui concentrait 60% de l'activité portuaire du pays.
L'Ukraine et la Russie assurent environ 30% des exportations mondiales de blé et la guerre a conduit à une flambée des cours des céréales et des huiles, qui a en particulier durement frappé le continent africain.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a effectué justement une visite de deux jours en Afrique pour rassurer les pays lourdement dépendants des céréales ukrainiennes.
"Rien ne figure dans les engagements pris par la Russie, notamment dans le cadre des accords signés le 22 juillet à Istanbul, qui nous interdirait de poursuivre l'opération militaire spéciale, en détruisant des infrastructures militaires" ukrainiennes, a-t-il insisté lundi lors d'une conférence de presse à Oyo, au Congo.
- Pas de répit sur le front -
Sur le terrain, la guerre ne connaît pas de répit sur les fronts de Mykolaïv (sud), dans la région de Kharkiv (nord-est), la deuxième plus grande ville d'Ukraine, dans celle de Kherson (sud) et dans les deux territoires séparatistes prorusses de Donetsk et de Lougansk, dans l'est.
A Kherson, dont les Russes se sont emparés le 3 mars, la situation "reste critique" avec des pénuries de médicaments, de nourriture et de produits d'hygiène, a affirmé lundi Dmytro Boutry, à la tête de l'administration militaire régionale.
Il a par ailleurs assuré que les forces ukrainiennes avaient repris le contrôle de 44 villages dans la région et ont visé trois ponts pour compliquer la logistique russe.
Dans ce contexte, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé dimanche soir ses compatriotes à "être unis et à travailler ensemble pour la victoire", avant de "célébrer pour la première fois le Jour de la souveraineté de l'Ukraine, le 28 juillet".
Son homologue allemand, Frank-Walter Steinmeier, a estimé que la guerre en Ukraine était aussi "une guerre contre l'unité de l'Europe", alors que de premiers canons antiaériens allemands Gepard sont arrivés en Ukraine.
"Nous attendons 15 Gepard. Trois d'entre eux sont arrivés en Ukraine aujourd'hui", a annoncé lundi le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov, cité par l'agence Interfax-Ukraine.
Des chars polonais PT-91 Twardy sont également arrivés en Ukraine, a écrit lundi sur Twitter Andriy Iermak, le chef de l'administration présidentielle ukrainienne.
Alors que la guerre est entrée dimanche dans son sixième mois, l'Ukraine, vainqueur de l'Eurovision 2022, a salué le fait que le prochain concours aura lieu au Royaume-Uni, après avoir dénoncé en juin la décision de lui retirer l'accueil de l'édition 2023 en raison de l'invasion russe.
(L.Kaufmann--BBZ)