Malgré le danger, les traversées illégales de la Manche sur de petits bateaux en hausse en 2024
Le nombre de migrants arrivés clandestinement au Royaume-Uni en traversant la Manche sur de petits bateaux est reparti à la hausse en 2024, année particulièrement meurtrière avec une vingtaine de naufrages et des dizaines de morts.
Cette hausse accroit la pression sur le gouvernement travailliste de Keir Starmer, alors que la baisse de l'immigration, légale comme illégale, a été l'un des enjeux majeurs de la campagne électorale l'ayant porté au pouvoir en juillet, qui a aussi vu la percée du parti anti-immigration Reform UK de Nigel Farage.
Sur l'ensemble de 2024, 36.816 migrants sont parvenus à traverser la Manche depuis la France, soit 25% de plus qu'en 2023, selon les chiffres du ministère britannique de l'Intérieur publiés mercredi.
C'est toutefois moins que le record atteint en 2022 avec 45.774 arrivées. Les migrants versent des milliers d'euros à des passeurs pour pouvoir s'entasser sur des embarcations pneumatiques de plus en plus chargées.
Avec au moins 76 morts dans une vingtaine de naufrages, l'année 2024 a été la plus meurtrière pour les migrants qui prennent toujours plus de risques pour déjouer la surveillance des autorités sur cette frontière ultra sécurisée.
Selon la préfecture du Pas-de-Calais, au moins 5.800 personnes ont été secourues en mer en 2024 et plus de 870 tentatives de traversée ont été empêchées par les forces de l'ordre.
- Davantage de Vietnamiens -
Difficile d'expliquer les raisons "spécifiques" de ce regain, explique à l'AFP Madeleine Sumption, directrice de l'Observatoire des migrations, un centre de recherche de l'Université d'Oxford. Mais elle souligne en particulier "l'augmentation constatée durant la première moitié de l'année", ainsi qu'en "octobre, novembre et décembre, une période où les chiffres diminuent habituellement parce que la météo n'est plus aussi favorable".
Sur le seul mois de décembre, plus de 3.200 migrants ont effectué la traversée, avec par exemple 322 personnes arrivées le 28 décembre ou 451 le jour de Noël, et plus de 400 encore le lendemain.
Au total, depuis 2018 et l'apparition du phénomène de ces traversées dans la foulée du renforcement des contrôles des camions empruntant le tunnel sous la Manche, plus de 150.000 migrants sont arrivés au Royaume-Uni par ce biais.
En 2022, une arrivée massive de personnes originaires d'Albanie avait gonflé les chiffres. Début 2024, les arrivées de Vietnamiens ont été particulièrement importantes.
Les données complètes sur la nationalité des migrants arrivés au Royaume-Uni seront publiées ultérieurement, mais entre septembre 2023 et septembre 2024, leurs principaux pays d'origine étaient l'Afghanistan, l'Iran, la Syrie, le Vietnam et l'Erythrée.
- Passeurs "terroristes" -
Depuis son arrivée au pouvoir, Keir Starmer est revenu sur le projet controversé des précédents gouvernements conservateurs d'expulser des migrants vers le Rwanda, et a promis de renforcer la lutte contre les réseaux de passeurs, qu'il entend traiter "comme des terroristes".
Le gouvernement a mis sur pied un nouveau centre de commandement dédié à la "sécurité des frontières" et a renforcé sa coopération avec ses partenaires européens, dont Europol, pour traquer ces groupes aux activités souvent transnationales.
Il a notamment signé en décembre des plans d'actions conjoints avec l'Irak et l'Allemagne, après des accords de coopération avec d'autres pays signés sous les conservateurs, dont celui avec la France en mars dernier. Ce dernier prévoit une contribution de Londres de plus de 500 millions d'euros sur trois ans pour renforcer la surveillance sur les plages françaises et lutter contre les gangs de passeurs.
Le gouvernement Starmer met aussi en avant l'augmentation des renvois de migrants illégaux vers leur pays d'origine, avec 29.000 personnes renvoyées entre janvier et début décembre, soit environ 25% de plus qu'en 2023 et un niveau inégalé depuis 2017, selon l'Observatoire des Migrations.
Les Britanniques sont "vraiment préoccupés" par ce sujet et "veulent une solution", mais "il est trop tôt pour dire si cette approche a un impact" sur le nombre de traversées, estime Madeleine Sumption, qui souligne que la lutte contre les passeurs est difficile, avec des réseaux "très décentralisés".
(A.Moore--TAG)