Le RN promet la censure, Barnier tente de sauver son gouvernement par un nouveau geste
En dépit de nouvelles concessions sur les médicaments, le gouvernement Barnier ne tient plus qu'à un fil après l'annonce lundi par le Rassemblement national de son intention de voter la motion de censure que la gauche pourrait déposer dès lundi après-midi sur le budget de la Sécurité sociale en cas de recours au 49.3.
Moins de deux heures avant la lecture définitive du budget de la Sécurité sociale à partir de 15H00 à l'Assemblée, Michel Barnier a annoncé un nouveau (et dernier ?) geste au RN en s'engageant "à ce qu'il n'y ait pas de déremboursement des médicaments" en 2025, alors que le gouvernement avait prévu de baisser de 5% le taux de remboursement.
Une annonce faite après un entretien téléphonique avec Marine Le Pen, selon le Premier ministre qui recevait parallèlement ses troupes, les chefs de groupes du "socle commun" (LR, Horizons, MoDem et macronistes) en début d'après-midi à Matignon.
Après avoir obtenu que le gouvernement abandonne la hausse des taxes sur l'électricité et réduise l'aide médicale d'État (AME) pour les sans-papiers, cette mesure faisait partie des concessions exigées par le RN, à côté notamment de la revalorisation des pensions de retraite.
Cela suffira-t-il à faire fléchir le RN ? Marine Le Pen réunissait ses députés à partir de 14H00 mais les expressions matinales ne laissaient pas augurer d'un changement de pied du parti d'extrême droite.
Pour le président du RN Jordan Bardella, il faudrait "un miracle de dernière minute" pour que le gouvernement ne soit censuré. Et pour le vice-président du parti, Sébastien Chenu, ce miracle ne peut être une mesure isolée sur les retraites ou les médicaments qui serait "du bricolage" alors que le RN "demande une vision d'ensemble".
Faute de majorité, le gouvernement pourrait annoncer cet après-midi qu'il utilise l'article 49.3 de la Constitution pour le faire adopter sans vote son projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), ce qui l'exposerait en retour au dépôt d'une motion de censure.
L'adoption d'une motion de censure serait une première depuis la chute du gouvernement de Georges Pompidou en 1962. Le gouvernement Barnier deviendrait alors le plus court de l'histoire de la Ve République.
La France s'enfoncerait encore plus dans la crise politique créée par la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron en juin, avec en outre le risque d'une crise financière liée la capacité de la France à emprunter sur les marchés à de faibles taux.
"Nous appelons solennellement les oppositions à ne pas céder à la tentation du pire et donc à ne pas voter la censure du gouvernement", a dit sur X lundi le président du groupe macroniste à l'Assemblée Gabriel Attal.
"Si la censure est votée cette semaine, les Français devront se souvenir de cette alliance qui l'a rendue possible. Cette alliance de toute la gauche, y compris d'un Parti socialiste pour qui l'intérêt général n'est plus qu'un lointain souvenir, avec le RN", a prévenu l'ex-Premier ministre.
- Concessions au RN -
Mais pendant le week-end, le ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin, qui veut ramener le déficit autour de 5% du PIB en 2025 contre 6,1% en 2024, a soutenu le texte tel que validé par la commission mixte paritaire ayant réuni une quinzaine de sénateurs et députés.
"Revenir" dessus, "serait s'asseoir sur le Parlement", a-t-il expliqué.
Un casus belli pour le RN.
"Le gouvernement a exprimé son souhait de ne pas modifier le PLFSS, c'est extrêmement clair et nous avons pris acte de cela", avait réagi dimanche Marine Le Pen.
Marine Le Pen se voit en "empereur romain, qui va décider à la dernière minute s'il décide ou pas d'épargner le gladiateur", a résumé le député macroniste Roland Lescure. Mais "Marine Le Pen n'est pas Jules César, c'est plutôt Machiavel au petit pied qui joue avec l'argent des Français", a-t-il jugé.
L'exécutif a la possibilité d'amender le texte qui sera soumis au vote jusqu'au dernier moment.
La gauche, de son côté, semble spectatrice de grand marchandage. "La honte. Je n'oublierai jamais ce jour où un Premier ministre de la France, pour sauver sa peau, s'est senti obligé de passer la brosse à reluire à Marine Le Pen", a commenté l'écologiste Marine Tondelier.
- Autres scénarios -
Le groupe socialiste a l'intention de déposer une motion de rejet préalable au PLFSS. Si celle-ci était adoptée, le texte reprendrait sa navette entre l'Assemblée et le Sénat.
Mais le gouvernement a encore la possibilité de ne pas recourir au 49.3. Le texte serait alors simplement rejeté par les oppositions et repartirait pour un nouveau parcours parlementaire.
"Michel Barnier gagnera quinze jours en réalité. Mais tout ça se terminera inévitablement par un 49.3", a prédit lundi Sébastien Chenu.
Même s'il sortait indemne de cette première étape, le Premier ministre LR doit encore faire adopter le projet de loi de fin de gestion de l'année en cours, moins emblématique, et le budget de l'Etat, actuellement en discussion. Au-dessus de l'examen de chacun d'entre eux plane un risque de censure.
(C.Young--TAG)