Immigration: Retailleau prêt à engager un "bras de fer" avec Londres
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau s'est dit prêt vendredi à engager un "bras de fer" avec Londres au sujet des migrants en quête du Royaume-Uni au prix de traversées clandestines de la Manche qui ont fait déjà 72 morts cette année.
A quelques jours d'une rencontre avec son homologue britannique, Yvette Cooper attendue le 9 décembre dans le Pas-de-Calais, il a appelé le Royaume-Uni à ne pas se contenter de déléguer le "gardiennage" de sa frontière à la France.
"Il y a un bras de fer à engager. J'espère que nous n'en arriverons pas là, mais on doit changer cette relation", a estimé M. Retailleau, qui se rendra le 10 décembre à Londres pour une rencontre associant outre la France et le Royaume-Uni, des réprésentants des Pays-Bas, de l'Allemagne et de l'Irlande.
"Le bras de fer, c'est assez simple, c'est à un moment donné, si les choses ne progressent pas, on dénoncera les accords du Touquet" signés entre Londres et Paris, a-t-il menacé. Depuis 2004, ces accords fixent sur le sol français les contrôles des personnes en partance vers le Royaume-Uni.
"Les responsables de ces drames, ce sont les passeurs et les Britanniques", a martelé à ses côtés le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand (LR), accusant ces derniers de profiter d'une main d'oeuvre payée "au lance-pierre".
- Renforts sécuritaires -
Le sujet de l'immigration, légale comme illégale, est sensible pour le nouveau gouvernement travailliste, qui a annoncé jeudi un "plan" pour réduire les arrivées, durcissant les conditions d'embauche de travailleurs étrangers et les sanctions pour les entreprises en infraction sur les règles en matière de visas.
Côté français, M. Retailleau a annoncé des renforts de police, la nomination d'un représentant spécial sur l'Immigration au ministère, et une mission de lutte contre l'immigration clandestine sur le littoral, confiée au nouveau préfet délégué pour la défense et la sécurité dans les Hauts-de-France, Vincent Lagoguey.
Un préfet spécialement chargé de cette mission était l'une des revendications d'un collectif de maires du littoral que M. Retailleau a rencontré pour ce premier déplacement dans la zone depuis sa prise de fonction en septembre.
Environ 200 personnes supplémentaires seront déployées pour renforcer les équipes locales de l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim), la police aux frontières (PAF), les commissariats de Calais et Dunkerque ou encore pour intervenir dans les bus et trains.
Des maires se disent démunis face à la saturation des transports en commun, utilisés à la fois par les habitants et les migrants tentant de rejoindre les plages.
M. Retailleau va en outre réclamer à Londres de cofinancer un fonds d'indemnisation pour les habitants et entreprises locales ayant subi des dégradations de leurs biens.
Il souhaite aussi une aide financière britannique pour les sapeurs-pompiers locaux, dont 12% des interventions sont liées à la crise migratoire, et pour la société de sauvetage en mer (SNSM), qui a effectué selon lui 5.500 sauvetages depuis le début de l'année.
La maire de Calais Natacha Bouchart (divers droite) s'est félicité que plusieurs mesures réclamées par les élus locaux aient été "validées" par le ministre de l'Intérieur.
"Mais (...) si on n'en soigne pas la cause, on a du mal à guérir", a-t-elle ajouté, pointant elle aussi les Britanniques "qui nous contraignent à devoir subir pour eux, depuis tant d'années, la régulation hypocrite de leur immigration".
Un nombre record d'au moins 72 candidats à l'exil sont morts depuis le 1er janvier en tentant de rallier l'Angleterre par la mer, selon la préfecture du Pas-de-Calais. "Une tragédie, pas tolérable", a dit M. Retailleau.
Une association venant en aide aux migrants s'est inquiété des annonces du ministre y voyant "la poursuite de la militarisation du littoral" en dépit de "l'inefficacité de cette politique".
"Le Royaume Uni a déjà criminalisé les personnes arrivées clandestinement, ce qui n'a eu aucun impact sur les départs", a souligné Flore Judet, coordinatrice de l'Auberge des Migrants.
Les associations demandent l'augmentation des moyens de secours en mer "pour que la Manche cesse d'être un cimetière".
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(T.Brown--TAG)