Loi immigration: le Sénat achève son durcissement, avant une adoption sans suspense
Le Sénat a terminé vendredi son entreprise de durcissement du projet de loi immigration, qui sera mis au vote mardi avant sa transmission à l'Assemblée nationale. Le gouvernement y cherchera une majorité, entre la droite et une aile gauche de la Macronie déterminée à rééquilibrer le texte.
Après cinq jours et quatre nuits de débats parfois houleux, la majorité sénatoriale de droite et du centre est parvenue à ses fins: imprimer à cette réforme sensible un sérieux tour de vis, globalement approuvé par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Ce dernier a avalisé de nombreuses mesures, qui correspondent à son ambition d'en faire une réforme "efficace", un outil de "fermeté" pour contrôler l'immigration et simplifier les procédures d'expulsion.
"C'est une grande avancée pour l'intérêt général", a-t-il salué sur X après la séance publique.
La chambre haute adoptera sa propre version du texte par un vote solennel mardi à 14h30. Son issue positive ne fait aucun doute depuis que Les Républicains et le groupe centriste, largement majoritaires, se sont accordés sur l'ensemble des dispositions.
Les groupes socialiste, écologiste et communiste n'ont pas fait mystère de leurs intentions: ils s'opposeront à ce projet de loi qui les "inquiète" autant que les associations.
- Réforme de l'asile -
Ce n'est qu'une première étape pour l'exécutif dans sa quête d'une voie de passage au Parlement. A partir du 11 décembre, l'Assemblée pourra en effet largement reprendre la mouture et l'exercice sera périlleux pour le gouvernement, qui, même sans majorité absolue, veut éviter d'utiliser l'arme constitutionnelle du 49.3.
Au dernier jour d'examen, les sénateurs se sont penchés sur une "réforme structurelle" du système de l'asile, pour accélérer les procédures et expulser plus rapidement, alors que le taux d'exécution des OQTF (obligations de quitter le territoire français) a chuté à 6,9% au premier semestre 2022.
Ils ont également voté pour une simplification du contentieux des étrangers en vue de diviser par trois le nombre de procédures permettant de contester une expulsion, de douze à quatre.
Les mesures majeures du texte avaient déjà été examinées les jours précédents.
C'était notamment le cas de la levée de l'essentiel des "protections" contre les expulsions des étrangers menaçant l'ordre public, mesures emblématiques de la jambe droite du texte.
Ce volet a été largement remis en avant par le gouvernement depuis l'attaque d'Arras par un jeune Russe arrivé en France avant l'âge de 13 ans. M. Darmanin a martelé que sa réforme aurait permis d'expulser l'assaillant.
Le volet "intégration" de la réforme, défendu par le ministre de l'Intérieur et non celui du Travail Olivier Dussopt qui le portait initialement, a été nettement restreint par le Sénat. En particulier sa mesure la plus emblématique, concernant la régularisation des travailleurs dans les métiers en "tension".
La gauche, minoritaire, a rarement pesé sur les débats, arrachant tout de même vendredi l'adoption d'un amendement visant à octroyer une carte de séjour temporaire aux sans-papiers qui portent plainte contre leurs propriétaires abusant de conditions d'hébergement indignes.
- Détricotage -
Surveillée attentivement par de nombreux acteurs publics et associations, la droitisation du texte suscite les critiques, notamment sur la suppression de l'aide médicale d’État et le volet "régularisations".
"L'obsession de l'enfermement et de l'expulsion, l’argument sécuritaire et répressif emportent tout et justifient de nier toute considération humaine des personnes", s'est indignée la Cimade, association de défense des droits des étrangers.
"C'est un texte de droite qui est sorti du Sénat, je pense qu'il y a un rééquilibrage" à faire, a reconnu sur Sud Radio Bérangère Couillard, ministre déléguée à la lutte contre les discriminations.
Les regards vont rapidement se tourner vers l'Assemblée, où l'aile gauche de la macronie est beaucoup mieux représentée qu'au Sénat. Incarnation de cette sensibilité, le président de la commission des Lois Sacha Houlié a déjà prévenu qu'il tenterait de rétablir "tout le texte" initial du gouvernement.
La députée Stella Dupont, apparentée au groupe Renaissance, s'est dite "stupéfiée" par la "dérive" du Sénat "vers la droite extrême", promettant de "rétablir l'esprit initial du projet de loi".
Ces parlementaires auront sans doute du soutien à gauche dans l'hémicycle. "L'honneur de l'Assemblée sera de détricoter votre texte", a lancé sur X le député socialiste Hervé Saulignac.
(O.Garcia--TAG)