Le Néerlandais Hoekstra, désigné "M. Climat" de l'UE, tente de convaincre les eurodéputés
Le Néerlandais Wopke Hoekstra, désigné au portefeuille du Climat à la Commission européenne mais dont l'expérience dans le secteur pétrolier suscite l'inquiétude, a tenté de convaincre lundi les eurodéputés de lui accorder leur feu vert, à deux mois de la COP28.
Objectif climatique 2040, fin des subventions aux carburants fossiles, nouveau train de législations vertes... Ce chrétien-démocrate de 47 ans s'est efforcé de donner des gages aux membres de la commission Environnement du Parlement européen, lors d'une audition longue de trois heures.
Ministre des Finances puis des Affaires étrangères dans son pays, M. Hoekstra a été désigné par les Pays-Bas pour remplacer Frans Timmermans, l'architecte du "Pacte vert" qui a quitté Bruxelles pour participer aux élections néerlandaises de l'automne.
A l'heure où les législations environnementales provoquent des résistances croissantes, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, lui a attribué la responsabilité du climat, confiant la coordination du "Pacte vert" à son vice-président, le Slovaque Maros Sefcovic.
Mais les deux doivent être confirmés dans leurs nouvelles fonctions par un vote des eurodéputés réunis cette semaine à Strasbourg, avis que la Commission est tenue de prendre en compte même s'il n'est formellement que consultatif.
La procédure n'a rien d'une formalité, tant le profil de Wopke Hoekstra suscite la controverse, en raison de son passage de deux ans chez le géant pétrolier Shell, suivi d'une carrière dans le cabinet de conseil McKinsey --profil suscitant un tollé chez les ONG écologistes et l'embarras de la gauche parlementaire.
"M. Hoekstra s'est aligné étroitement dans le passé sur la défense des combustibles fossiles", s'étaient insurgées une cinquantaine d'ONG, dont Greenpeace et Friends of the Earth, rappelant son opposition comme ministre à l'arrêt rapide d'un gisement gazier et le soutien accordé sans condition à la compagnie Air France-KLM.
"A regarder votre CV, vous n'avez pas vraiment été un +champion du climat+, c'est un euphémisme", a abondé l'eurodéputé Vert Bas Eickhout devant l'intéressé.
Wopke Hoekstra a défendu son bilan ministériel, évoquant le lancement d'obligations vertes, et promis "la continuité" dans l'action climatique de l'UE, dont il entend "augmenter l'ambition" --tout "en tendant la main" aux industriels et agriculteurs.
"Je veux conclure rapidement toutes les négociations" en cours sur les textes du Pacte vert, dont certains (restauration de la nature, pesticides...) font l'objet d'une franche opposition de son propre camp, "et j'entends poser les bases d'un +Pacte vert 2.0+", a-t-il assuré, dans son introduction prononcée en quatre langues.
-"Enorme absurdité"-
L'ex-salarié de Shell a fustigé les subventions accordées par les Etats aux combustibles fossiles.
"Cela doit appartenir au passé. Certaines majors pétrolières ont cherché à cacher leur rôle dans le changement climatique, c'est vraiment non-éthique, cela ne fait qu'accroître leur responsabilité", a-t-il affirmé, jugeant l'absence de taxe sur le kérosène aérien "une énorme absurdité".
"La nomination est loin d’être acquise. Nous serons très attentifs aux engagements sur la fixation du futur objectif 2031-2040" de réductions d'émissions de gaz à effet de serre de l'UE, avait averti le président (Renew, libéraux) de la commission Environnement, Pascal Canfin.
Alors que Bruxelles doit communiquer sur ce point début 2024, M. Hoekstra s'est engagé à suivre l'avis du Conseil consultatif scientifique européen, se disant lui-même partisan d'"utiliser tous les instruments permettant d'atteindre le minimum recommandé d'une baisse nette de 90%" en 2040 par rapport à 1990.
Le Néerlandais a aussi tenté de solder un vieux contentieux: en 2020, alors ministre des Finances, il avait suggéré d'enquêter sur les difficultés budgétaires de certains pays européens face au Covid-19, suscitant l'ire des pays du Sud. "J'ai le sentiment que j'aurai dû agir différemment", a-t-il reconnu.
Enfin, face aux doutes sur son expérience diplomatique alors qu'il représenterait l'UE à la COP28 fin novembre, Wopke Hoekstra a expliqué vouloir "forger une alliance mondiale" sur le financement des pertes et dommages en explorant "toutes les pistes".
"Je vois des perspectives de succès à Dubai, je travaillerai inlassablement pour y arriver", s'est-il exclamé.
Après l'audition, la commission Environnement se prononcera dans la soirée à huis clos sur sa désignation --son feu vert exige une majorité des deux-tiers--, avant un vote de confirmation de l'ensemble des eurodéputés jeudi.
Seul son parti, le PPE (droite), a déjà annoncé ouvertement le soutenir. En revanche, le PPE est divisé sur le soutien à Maros Sefcovic, issu des sociaux-démocrates, pour reprendre les dossiers du "Pacte vert": celui-ci sera entendu mardi par les eurodéputés.
(B.Hartmann--BBZ)