Tortures, exécutions: nouvelle série de graves violences policières au Brésil
Soupçons de "tortures" et d'"exécutions sommaires" pendant un raid dans une favela, suspect mort asphyxié dans un coffre de voiture: le Brésil a été de nouveau choqué ces derniers jours par une série de graves violences policières.
"Nous avons vu un cadavre dont le visage était recouvert d'une poudre blanche, qui ressemblait à de la cocaïne", a témoigné Rodrigo Mondego, responsable de la commissions des droits de l'Homme au barreau de Rio, après l'opération policière qui a fait plus de 20 morts mardi à Vila Cruzeiro, une favela de Rio de Janeiro.
"Ceux qui ont tué cette personne ont étalé de la cocaïne sur son visage et lui en ont peut-être fait manger. C'est un acte de torture", a-t-il raconté, ajoutant que des témoignages faisaient aussi état de personnes tuées à l'arme blanche.
Selon le dernier bilan des autorités sanitaires qui ont comptabilisé les cadavres, 26 personnes sont mortes lors du raid, dont une femme de 41 ans atteinte par une balle perdue.
Mais la police de Rio, qui affirme avoir été accueillie par des tirs nourris à Vila Cruzeiro, a révisé son bilan à 23 morts jeudi, affirmant que trois corps provenaient d'une autre favela à 5 km de là, où auraient eu lieu des affrontements entre narcotrafiquants.
Rodrigo Mondego dit s'être rendu à Vila Cruzeiro mardi pendant que l'opération était encore en cours, à la demande de représentants d'une association de quartier.
- "Abattus dans les bois" -
"Nous soupçonnons également un grand nombre d'exécutions sommaires. Des témoins nous ont raconté que des hommes qui s'étaient rendus aux policiers avaient été abattus dans les bois" sur la partie haute de la favela, a-t-il dit.
Selon lui, le bilan de l'opération policière à lui seul renforce ces soupçons d'exécutions extrajudiciaires: "si l'on consulte les statistiques dans le monde entier, on ne verra jamais une fusillade où plus de 20 personnes meurent dans un camp et aucune dans l'autre".
Le Parquet fédéral a ouvert mardi une enquête sur "d'éventuelles violations" des droits de l'homme perpétrées par des agents à Vila Cruzeiro.
Les Brésiliens ont par ailleurs été choqués par la mort d'un homme, asphyxié après avoir été placé dans le coffre d'une voiture de police. La scène, filmée par un témoin, est devenue virale sur Internet.
La police routière fédérale (PRF) a assuré jeudi dans un communiqué que les agents avaient "employé des techniques d'immobilisation et des instruments à faible potentiel offensif" face à "l'agressivité" de Genivaldo de Jesus Santos, 38 ans, lors d'un contrôle de routine.
- "Ils vont le tuer !" -
Les faits se sont déroulés mercredi sur une route à proximité d'Umbauba, une ville de 25.000 habitants de l'Etat de Sergipe (nord-est).
La vidéo montre clairement deux agents de la PRF casqués tenter de refermer le coffre d'une voiture sur un homme dont les jambes dépassent encore. Une épaisse fumée blanche qui semble venir d'une bombe lacrymogène s'échappe du coffre.
On peut entendre des cris de douleur et les commentaires d'un témoin s'écriant: "ils vont le tuer!"
L'homme remue les jambes pendant environ une minute, puis devient immobile. Les agents replient alors ses jambes et ferment le coffre.
Dans un communiqué, l'organisation Human Rights Watch a exprimé sa "consternation".
La police brésilienne est l'une de celles qui tuent le plus au monde: en 2021, plus de 6.100 personnes sont mortes dans des opérations policières, et 183 agents ont été assassinés, selon des chiffres d'une organisation de surveillance des violences.
Qualifiée de "massacre" par de nombreux élus et militants associatifs, l'opération de mardi s'est soldée par le deuxième pire bilan de l'histoire de Rio pour un raid policier dans une favela.
Le triste record date d'il y a un an, avec 28 morts, dont un policier, lors d'une incursion des forces de l'ordre dans la favela de Jacarezinho.
Mardi soir, le président d'extrême droite Jair Bolsonaro a félicité les "guerriers" des forces de l'ordre pour avoir "neutralisé au moins 20 marginaux liés au trafic de drogue".
(F.Schuster--BBZ)