Face à la cybercriminalité, l'Afrique cherche sa propre réponse
Escroqueries en ligne, paiement par mobile, menaces d'attaques d'ampleur: l'Afrique subsaharienne est souvent présentée comme particulièrement vulnérable face à la cybercriminalité, mais les acteurs du secteur cherchent à apporter une réponse spécifique.
"Il faut élever la question de la cybersécurité au rang des obligations régaliennes de l'Etat", prône le docteur tchadien en économie Succès Masra, à l'occasion de la deuxième édition du Cyber Africa Forum qui s'est tenu en début de semaine à Abidjan, mettant en garde contre la "guerre digitale de demain".
"Si on fait cela, il y aura des obligations de résultat. La conscience sur la question n'est pas encore totalement au rendez-vous, il faut accélérer", ajoute t-il, appelant les acteurs africains à "s'approprier les compétences".
Avec 500 millions d'internautes, selon un rapport d'Interpol, l'Afrique compte plus de personnes connectées que d'autres régions comme l'Amérique du Sud ou le Moyen-Orient.
Pourtant, moins de 40% de la population est aujourd'hui connectée sur le continent ce qui laisse un immense potentiel de croissance pour l'économie numérique... et les cybermenaces.
Pour le colonel Guelpetchin Ouattara, patron de la lutte contre la cybercriminalité en Côte d'Ivoire, la réponse doit être adaptée aux spécificités africaines.
"Il faut dimensionner notre réponse à la problématique locale. Il ne faut pas comparer l'Afrique à d'autres parties du monde qui ont leurs propres réalités, leur propre environnement numérique, leurs propres risques. On ne peut pas dire que l'Afrique est en retard", assure t-il à l'AFP.
De nombreuses attaques concernent par exemple les transferts d'argent par mobile, particulièrement répandus sur le continent.
"Les agressions des systèmes d'information purs c'est moins de 5% de nos attaques en Côte d'Ivoire. Tout ce qui concerne les escroqueries en ligne ou sur les transferts d'argent via mobile, les chantages à la vidéo etc... c'est 95%", détaille le colonel Ouattara.
- Marché lucratif -
Quelques attaques d'ampleur comme celle qui a interrompu brièvement tout l'internet du Liberia en 2016 ont défrayé la chronique, mais les escroqueries en ligne demeurent la cybermenace la plus prééminente, confirme l'étude d'Interpol, au niveau continental.
La facture n'en est pas moins salée: les spécialistes estiment les pertes économiques liées à la cybercriminalité à quatre milliards de dollars par an pour les pays africains.
Quelques pays, à l'image de la Côte d'Ivoire ont déjà adopté un plan stratégique national pour le numérique.
Plusieurs outils de lutte sont en place, notamment la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité (PLCC), une structure du ministère de l'Intérieur composée d'enquêteurs et de spécialistes des technologies.
La page Facebook du PLCC, suivie par 200.000 personnes, publie régulièrement des messages de prévention et même des récits d'arrestations avec les modes opératoires des criminels, afin de sensibiliser les individus.
"La sécurité numérique doit être un réflexe pour le citoyen, exactement comme quand on ferme la porte à clé le soir en rentrant chez soi", explique le colonel Ouattara.
L'intérêt pour les questions de cybersécurité est en tout cas croissant sur le continent, à l'image d'un sommet dédié à Lomé en mars dernier.
Selon une étude de PwC, le marché de la cybersécurité en Afrique est estimé à 2,32 milliards de dollars en 2020 contre 1,33 milliards en 2017.
"Il y a une prise de conscience et un vrai engouement", assure Franck Kié, le commissaire général du forum d'Abidjan où une vingtaine d'entreprises ont également pu exposer leurs produits.
(K.Lüdke--BBZ)