Mais où est donc "Bouton?": la Colombie s'émeut des vols de chiens
En moins d'une semaine, deux vols de chiens ont défrayé la chronique à Bogota, illustrant un nouveau type de criminalité qui inquiète en Colombie, où les animaux de compagnie sont rois.
"Bouton", un chihuahua brun aux grands yeux noirs, a été enlevé samedi dans un quartier populaire du sud-ouest de Bogota, ont rapporté les médias nationaux.
"Ils l'ont enlevé et ont demandé une récompense", a témoigné l'infortunée propriétaire du canidé, tandis que les médias diffusaient les images de télésurveillance du rapt montrant les coupables embarquer l'animal dans un véhicule.
La semaine dernière, le cas de "Vénus" avait déjà fait les gros titres : ce bouledogue français femelle de 2 ans avait été enlevé mardi dans le quartier de Chapinero, dans le centre-ville.
Sa propriétaire, une étudiante, avait aussitôt lancé un appel à l'aide sur les réseaux sociaux, avec la bouille de l'animal en photo, un appel immédiatement largement relayé.
Les ravisseurs, qui réclamaient une rançon de 2 millions de pesos (500 dollars), ont été interpellés par la police le lendemain. Et Vénus finalement restituée saine et sauve à sa propriétaire, un dénouement heureux largement mis en avant par les services de communication de la police dans une vidéo débordante d'émotion.
L'affaire a mobilisé jusqu'au chef de la police colombienne, le général Jorge Luis Vargas. "Cela nous fait souffrir car ces animaux de compagnie font partie de la vie la plus intime des personnes", a-t-il déclaré, assurant que la police accroît ses efforts pour combattre ce nouveau phénomène.
- Le roi chien -
Vénus, Bouton, Sarco le Chow chow, Tijan le husky... les affaires de ce genre se sont récemment multipliées dans le pays, la presse nationale consacrant plusieurs longs articles à ce phénomène qui prend des allures d'épidémie internationale.
Aux Etats-Unis par exemple, les vols visant les bouledogues français, chien des stars et des millionaires, se multiplient.
Le quotidien colombien El Tiempo raconte comment des bandes de délinquants "enquêtent sur les propriétaires", enlèvent leurs animaux pour "racketter", mais aussi pour "faire reproduire les chiens de race les plus recherchés et vendre les chiots".
"Insécurité à Bogota : même les chiens sont volés pour extorquer de l'argent aux citoyens", s'est alarmé l'hebdomadaire Semana.
"Les enlèvements ne sont pas nouveaux. Mais on en parle plus grâce aux réseaux sociaux", souligne auprès de l'AFP Andrea Padilla, militante animaliste et conseillère municipale de Bogota.
"Le problème est que beaucoup de gens ne portent pas plainte parce qu'ils ne croient pas en la justice, ni en la police (...), ou alors les vols d'animaux sont considérés comme un simple vol" de biens, explique-t-elle.
En 2018, il y avait environ cinq millions d'animaux de compagnie en Colombie, pays de 50 millions d'habitants, selon les statistiques officielles.
Ce chiffre ne cesse d'augmenter à mesure que la taille des familles se réduit en raison d'une baisse régulière des naissances, alors que de nombreux jeunes choisissent de ne pas avoir d'enfants et "d'adopter plutôt des animaux de compagnie", selon Mme Padilla.
Ce phénomène de société, plus marqué dans les grandes villes, a encore pris de l'ampleur avec la pandémie et touche en fait toute l'Amérique latine.
Selon une étude du cabinet de conseils GFk datant de 2016, les propriétaires d'animaux de compagnie sont plus nombreux en Amérique latine, avec 80% des Argentins et des Mexicains, et 75% des Brésiliens, le Brésil étant le deuxième marché mondial des aliments pour chiens derrière les Etats-Unis.
Dans les quartiers aisés de Bogota, les chiens, souvent de coûteux animaux de race, sont omniprésents dans les parcs et espaces verts. Cette adoration pour les chiens et les chats touche également les classes sociales plus modestes.
La presse colombienne grand public consacre de longues rubriques aux animaux de compagnie, avec un marché en pleine expansion (+84,9% ces cinq dernières années) qui pourrait représenter 1,5 millard de dollars en 2026, selon les estimations citées par la presse.
Selon une étude privée, près de 20% des propriétaires consacrent entre 150 et 200 dollars par mois à leurs petites bêtes à quatre pattes dans un pays parmi les plus inégalitaires au monde, où le salaire minimum mensuel est 250 dollars
(G.Gruner--BBZ)